Un tournant décisif pour la protection des lanceurs d’alerte en RDC
« Les lanceurs d’alerte attendent de bénéficier d’un certain soutien. Je me suis retrouvé face à des personnes qui détenaient des informations vitales sans être conscients des risques. » Jean-Claude Mputu, porte-parole du Congo N’est Pas À Vendre (CNPAV)
Marquant un tournant majeur pour la République Démocratique du Congo (RDC), les 7 et 8 novembre 2024, des experts, acteurs de la société civile et représentants gouvernementaux se sont réunis à Kinshasa pour la première Conférence internationale sur la protection des lanceurs d’alerte, organisée par la Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique (PPLAAF). Cette conférence a non seulement sensibilisé à l’importance du lancement d’alerte, mais a également ouvert la voie à des réformes concrètes.
La conférence a été organisée en partenariat avec l’Agence suédoise de coopération internationale au développement (SIDA), l’Office des Nations-Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le collectif Congo N’est Pas à Vendre (CNPAV), l’institut de recherche congolais Ebuteli, les Ambassades de Suède et de Belgique, ainsi que les agences DANIDA et NORAD.
Sur le plan juridique, l’absence de lois adaptées reste un obstacle majeur à la protection des lanceurs d’alerte en RDC. Gabriel Bourdon-Fattal, Directeur des Programmes de PPLAAF, a souligné : « Le principal obstacle à la protection des lanceurs d’alerte face à des réseaux puissants est l’absence de lois appropriées répondant aux besoins locaux.»
Des témoignages de courage
La conférence a également donné la parole à des lanceurs d’alerte, mettant en lumière les défis auxquels ils font face et leur résilience face à l’adversité.
En 2016, Jean-Jacques Lumumba a dénoncé le détournement massif de fonds dans le secteur bancaire de la RDC sous le régime de l’ancien Président Joseph Kabila. Il a déclaré : « Lancer l’alerte, c’est un parcours du combattant. C’est moralement très épuisant. Mais on le fait pour l’intérêt général. Aujourd’hui, je suis heureux d’être ici en RDC après 7 ans d’exil. »
Menacé de mort et contraint de fuir son pays, Lumumba vit désormais en exil en France. Cette conférence marque son premier retour en RDC depuis son départ.
Claude Mianzuila, ancien évaluateur de diamants, a également livré un témoignage poignant. Après avoir dénoncé des pratiques illégales dans l’industrie du diamant en RDC, il a été emprisonné et a affronté des conséquences extrêmes en raison de ses révélations.
Gradi Koko et Navy Malela ont dénoncé de graves pratiques de blanchiment d’argent impliquant Afriland First Bank CD et l’homme d’affaires israélien Dan Gertler. Leurs révélations ont conduit à leur condamnation à mort par contumace.
Jimmy Kandé, Directeur Afrique de l’Ouest et francophone de PPLAAF, a dénoncé l’injustice subie par ces lanceurs d’alerte congolais : « Ces lanceurs d’alerte ont conduit à des sanctions des autorités américaines grâce à leurs révélations. Pourtant, en RDC, ils ont été condamnés à mort. Nous sommes ici pour défendre ces fils dignes du Congo. »
Alors que Koko et Malela continuent de faire face à des persécutions dans leur pays, PPLAAF lutte activement pour obtenir l’annulation de cette condamnation injuste et a profité de la conférence pour porter ce message essentiel.
Des échanges régionaux riches en enseignements
Un moment clé de la conférence a été l’intervention de représentants d’autres pays africains, notamment le Sénégal, Madagascar, l’Afrique du Sud, le Burkina Faso et la Zambie, qui ont partagé leurs bonnes pratiques et les leçons apprises en matière de protection des lanceurs d’alerte.
Ces échanges ont permis à la RDC de s’inspirer des meilleures pratiques régionales, démontrant l’efficacité de l’élaboration de cadres juridiques adaptés aux réalités locales. Ils ont également souligné l’importance de la coopération panafricaine pour relever les défis liés à la protection des lanceurs d’alerte et orienter les réformes nécessaires en RDC.
La mobilisation des parlementaires congolais
Plusieurs parlementaires congolais ont également participé aux débats, exprimant leur intérêt pour une législation visant à protéger les lanceurs d’alerte. Une session spéciale a été consacrée à discuter des implications du projet de loi actuellement en cours d’élaboration en RDC. Les discussions ont permis de définir un calendrier réaliste pour l’adoption de stratégies de plaidoyer afin de mobiliser le soutien des institutions clés et des parties prenantes.
Le député congolais Éric Tshikuma a exprimé son engagement à présenter le projet de loi au Parlement, tout en appelant à un soutien élargi des institutions et des parties prenantes.
Des représentants des institutions congolaises d’enquête, telles que la Cellule Nationale des Renseignements Financiers (CENAREF), la Commission de Lutte contre le Blanchiment (COLUB) et l’Agence de Prévention et de Lutte contre la Corruption (APLC), ont également souligné l’importance des lanceurs d’alerte dans leurs missions.
Une étape majeure pour l’avenir
La conférence s’est conclue par un appel clair à l’adoption urgente d’une loi spécifique pour garantir la sécurité des lanceurs d’alerte et leur permettre d’agir sans crainte de représailles. Les participants ont également demandé l’annulation des condamnations injustes de Navy Malela et Gradi Koko, dont les révélations ont eu un impact considérable, mais qui continuent de subir des persécutions dans leur pays.
En renforçant les collaborations entre la société civile, les institutions publiques et les partenaires internationaux, il est possible de créer un environnement qui protège et valorise les lanceurs d’alerte en tant que sentinelles de la démocratie et de la transparence.
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PPLAAF est une organisation non gouvernementale créée en 2017 pour protéger les lanceurs d’alerte, ainsi que pour plaider en faveur de leurs intérêts et s’engager dans des litiges stratégiques en leur nom lorsque leurs révélations touchent l’intérêt général des citoyens africains.
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