République Démocratique du Congo

Publié en 2024

Sources juridiques

Résumé exécutif

Les protections juridiques pour les employés et les citoyens qui dénoncent la criminalité, la corruption et les fautes graves en République Démocratique du Congo (RDC) sont pratiquement inexistantes. Les rares protections qui existent sont faibles, à la fois, en termes de législation et d’applicabilité. Pourtant, le pays compte de nombreux lanceurs d’alerte qui, en l’absence de protections adéquates, s’exposent à divers types de représailles.

Les libertés des médias, tout en étant garanties par la Constitution, sont limitées dans la pratique. Les journalistes subissent des menaces, des actes d’intimidation, des violences et des arrestations. De même, les civils bénéficient du droit à la liberté d’expression et d’association, cependant les violentes répressions contre les manifestants et la détention de nombreux détenus politiques par le passé démontrent que ces droits n’ont pas toujours été respectés.

Malgré un cadre juridique insuffisant et un climat d’intimidation, les Congolais font preuve d’un courage croissant en dénonçant la corruption. Il existe en effet plusieurs cas de lanceurs d’alerte, notamment Jean Jacques Lumumba, Gradi Koko, Navy Malela ou encore Claude Mianziula. La société civile se mobilise de plus en plus pour les soutenir, et le gouvernement de Tshisekedi, bien qu’à petits pas, affiche une volonté de protéger les lanceurs d’alerte et de lutter contre la corruption.

Pour renforcer cette prise de conscience citoyenne, PPLAAF (Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique) mène un travail significatif en RDC. L’organisation soutient plusieurs lanceurs d’alerte courageux qui ont contribué à dévoiler d’importants scandales politiques, économiques et financiers dans le pays. Ces révélations ont eu un impact considérable, déclenchant parfois des enquêtes de grande envergure dans plusieurs pays.

Lois et mesures relatives aux lanceurs d’alerte

La protection des lanceurs d’alerte est un aspect essentiel de la lutte contre la criminalité financière. Cette partie explore les lois, mesures et dispositifs mis en place en RDC pour garantir la protection des lanceurs d’alerte. Elle examine les droits et les garanties dont bénéficient les lanceurs d’alerte, les mécanismes de protection mis en œuvre, ainsi que les défis persistants liés à cette protection.

La RDC a ratifié en Septembre 2010 la Conventions des Nations-Unies contre la corruption de 2003 dont les articles 32 et 33 rappellent respectivement la nécessité d’une protection efficace contre des actes éventuels de représailles ou d’intimidation aux témoins, experts ou victimes ainsi que l’importance d’adopter un cadre juridique interne incluant des mesures appropriées pour assurer cette protection.

Le pays a  également ratifié la Convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption de 2003 qui dispose en son article 5 que les parties à la Convention s’engagent à « adopter des mesures législatives et autres pour protéger les informateurs et les témoins dans les cas de corruption et d’infractions assimilées, y compris leur identité », mais également à « adopter des mesures afin de s’assurer que les citoyens signalent les cas de corruption, sans craindre éventuellement des représailles ».

Malgré cela,  la RDC n’a pas, pour l’heure, de lois spécifiquement dédiées à la protection des lanceurs d’alerte.

Le Code du travail contient une disposition qui pourrait éventuellement s’appliquer à un cas de lancement d’alerte. En ce sens, il est précisé que « le présent Code s’applique à tous les travailleurs et à tous les employeurs » et l’article 62 dudit Code dispose que « le dépôt d’une plainte ou la participation à une procédure contre l’employeur pour des violations présumées de la loi ne constitue pas un motif de licenciement ». L’article 63 soutient que les travailleurs qui ont été injustement licenciés ont droit à la réintégration ou aux dommages-intérêts fixés par le Tribunal du travail en fonction de la nature des services accomplis et de l’ancienneté du travailleur, mais limitée à 36 mois du salaire le plus récent du travailleur.

Concernant les plaintes, l’article 198 dispose : « les inspecteurs et les contrôleurs du travail n’ont pas le droit d’avoir un intérêt quelconque direct ou indirect dans les entreprises ou les établissements placés sous leur contrôle. Ils doivent traiter comme absolument confidentielle la source de toute plainte leur signalant un défaut dans l’installation ou une infraction aux dispositions légales et doivent s’abstenir de révéler à l’employeur ou à son représentant qu’il a été procédé à une visite d’inspection comme suite à une plainte. »

Dans le cadre du Code pénal, aucune mesure de protection des lanceurs d’alerte n’est prévue. L’article 73 de ce texte sanctionne d’ailleurs la révélation du secret professionnel : « les personnes dépositaires par état ou par profession des secrets qu’on leur confie qui, hors le cas où elles sont appelées à rendre témoignage en justice et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d’une servitude pénale d’un à six mois et d’une amende de mille à cinq mille zaïres, ou d’une de ces peines seulement »

Dans certains pays, lorsqu’il n’existe pas de loi sur la protection des lanceurs d’alerte, il est possible de recourir à la loi sur la protection des témoins. A ce sujet, la RDC ne dispose pas, en l’état, d’une loi dédiée la protection des témoins. En ce sens, le Code de procédure pénale ne prévoit pas de dispositions liées à la protection du témoin, mais prévoit sa condamnation s’il ne comparait pas. En effet, l’article 19 dispose : « Le témoin qui, sans justifier d’un motif légitime d’excuse, ne comparaît pas, bien que cité régulièrement, ou qui refuse de prêter serment ou de déposer quand il en a l’obligation, peut, sans autre formalité ni délai et sans appel, être condamné par l’officier du ministère public à une peine d’un mois de servitude pénale au maximum et à une amende qui n’excédera pas 1.000 francs, ou l’une de ces peines seulement. »

Les citoyens peuvent signaler des actes de corruption et autres infractions similaires sur le site internet de l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption (APLC), mais cette option ne garantit pas l’anonymat des dénonciateurs souhaitant protéger leur identité. De plus, il n’existe aucun moyen pour le dénonciateur de suivre l’évolution de sa plainte.

L’ordonnance  n° 20/013 bis du 17 mars 2020 portant  création,  organisation et fonctionnement de cette autorité dispose en son article 2 alinéa 3 qu’elle peut : « Prendre   les   dispositions   appropriées   pour : assurer une protection efficace des témoins et des experts contre les représailles ou les actes d’intimidation dont ils feraient l’objet pour leur intervention tendant à caractériser les faits considérés ; assurer la même protection à toute personne qui, de bonne foi et sur la base de soupçons  raisonnables,  signalera  ou  aura signalé à l’Agence des faits concernant les infractions ici visées ; encourager les personnes ayant participé à la commission d’une telle infraction à coopérer avec l’Agence ». Cependant, rien n’est précisé quant aux modalités de mise en œuvre de cette protection.

Une certaine protection pour les témoins est prévue par cette loi au chapitre Ier, section 2 de son titre V. L’article 116 évoque cette protection en soutenant que : « Les autorités de poursuites peuvent, d’office ou sur demande d’un témoin ou d’une partie privée lésée, décider que :

  1. Certaines données d’identité ne soient pas mentionnées dans le procès-verbal d’audition s’il existe une présomption raisonnable que le témoin pourrait subir un préjudice grave suite à la divulgation de certaines informations;
  2. L’identité du témoin reste secrète si l’autorité compétente conclut que le témoin, un membre de sa famille ou un de ses associés pourrait vraisemblablement être mis en danger par le témoignage.

L’identité du témoin n’est tenue secrète que si l’enquête relative à l’infraction l’exige et si d’autres techniques d’enquête paraissent insuffisantes pour découvrir la vérité. Le témoin dont l’identité est tenue secrète ne peut être cité à comparaître à une audition sans son accord.

Le témoin ou une partie privée lésée ne peut faire l’objet d’un licenciement, d’une sanction, d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération ou d’évolution professionnelle, ou de toute autre mesure défavorable.
Toute décision prise en méconnaissance de l’alinéa précédent est nulle de plein droit.
Un témoignage anonyme ne peut servir d’unique fondement ni de facteur déterminant de toute inculpation. »

Le Président Tshisekedi a clairement exprimé sa volonté de lutter contre la corruption, une lutte qui passe nécessairement par la protection des lanceurs d’alerte. La société civile congolaise se mobilise également de plus en plus pour combattre ce fléau et défendre ces acteurs essentiels. Cependant, à la date de publication du présent rapport, des actions concrètes du gouvernement du Président Tshisekedi sont encore attendues sur ces sujets.

Il convient par ailleurs de souligner que l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) apporte un soutien législatif à la RDC, afin d’aider le pays à renforcer son système de protection des lanceurs d’alerte.

Lois et mesures relatives à la lutte contre la criminalité financière

Cette partie se concentre sur les mesures prises par le gouvernement congolais pour lutter contre la criminalité financière. Elle examine les réformes législatives, les politiques et les initiatives visant à promouvoir la transparence, l’intégrité et la responsabilité dans la gestion des affaires publiques. Tout en reconnaissant les efforts déployés, elle soulève également les défis persistants et les perspectives d’amélioration dans la lutte contre la criminalité financière en RDC.

La corruption est un fléau qui impacte négativement le développement socio-économique de la RDC. Dans le rapport 2023 de Transparency International[1] sur l’Indice de perception de la corruption[2] dans le monde, la RDC est dans la zone rouge en étant classé au 162ème rang sur 180 pays, avec un score de 20/100. Cette situation préoccupante contraste fortement avec la volonté affichée du Président Félix Tshisekedi qui, dès son arrivée au pouvoir en 2019, a érigé la lutte contre la corruption en priorité nationale.

La RDC ne possède pas, à ce jour, de loi spécifiquement dédiée à la lutte contre la corruption alors même que le Code pénal établit les actes constitutifs d’actes de corruption. En ce sens, parmi ceux énumérés à l’article 147, il est possible de retenir :

  1. Le fait, pour un agent public ou toute autre personne, de solliciter ou d’accepter directement ou indirectement des sommes d’argent, tout bien ayant une valeur pécuniaire ou tout autre avantage tel qu’un don, une faveur, une promesse ou un gain pour lui-même ou pour autrui, personne physique ou morale, en contrepartie de l’accomplissement ou de l’omission d’un acte dans l’exercice de ses fonctions ;
  1. le fait d’offrir ou d’octroyer directement ou indirectement à un agent public ou à tout autre personne, des sommes d’argent tout bien ayant une valeur pécuniaire ou tout autre avantage, tel qu’un don, une faveur, une promesse ou un gain pour lui-même ou pour autrui, personne physique ou morale, en vue de l’accomplissement ou de l’omission d’un acte dans l’exercice de ses fonctions ;
  2. le fait d’offrir, de donner ou de promettre directement ou indirectement un avantage indu à toute personne qui dirige un organisme du secteur privé ou est employé par ce dernier en quelque qualité que ce soit ; ou le fait pour cette personne de solliciter ou d’accepter cet avantage indu, directement ou indirectement, à titre personnel ou pour autrui, pour qu’elle agisse en contravention de ses devoirs ou s’abstienne d’agir ; etc.

L’article 148 précise également que : « tout agent public ou toute autre personne qui aura commis un des actes prévus à l’article 147 bis sera puni de six mois à deux ans de servitude pénale et d’une amende de cinquante mille à deux cent mille francs congolais constants. La peine prévue à l’alinéa précédent pourra être portée au double du maximum, en vue d’accomplir, dans l’exercice de ses fonctions, de son emploi ou de sa mission, un acte injuste ou de s’abstenir d’accomplir un acte qui rentre dans l’ordre de ses devoirs. »

L’article 149 bis quant à lui précise que toute personne reconnue coupable de corruption, qu’elle soit passive ou active, fera face à diverses sanctions, allant de l’interdiction de voter pour une durée déterminée, à l’expulsion si l’individu est un étranger. 

Ces articles ont été modifiés et complétés par la loi n° 5/006 du 29 Mars 2005 modifiant et complétant le décret du 30 Janvier 1940 portant Code pénal congolais
Le Code pénal a connu également des modifications en 2006, 2011 et 2015. Cependant, la dernière version contenant toutes les modifications récentes n’est pas disponible en ligne à ce jour.

L’article 99 de la Constitution congolaise impose au Président et aux membres du gouvernement de déclarer leur patrimoine familial à la Cour constitutionnelle. Si cette déclaration n’est pas faite dans les 30 jours suivant leur prise de fonction, la personne concernée est considérée comme démissionnaire. Si elle n’est pas faite à la fin des fonctions, la Cour constitutionnelle ou la Cour de cassation est saisie.

Dans le cadre de la lutte contre la corruption en RDC, l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption (APLC) a été créé par l’ordonnance n°20/013 bis du 17 Mars 2020. Son mandat lui permet d’analyser, d’examiner et d’étudier tout soupçon, acte, information ou rapport relatif à la corruption, au blanchiment de capitaux et/ou à des infractions similaires.

Sa mission est définie à l’article 2 de l’ordonnance qui dispose :  

« L’Agence a pour principale mission de définir et mettre en œuvre tous programmes permettant de détecter les agissements susceptibles d’être considérés comme relevant de la corruption ou d’une infraction y assimilée ; de mener toutes études et diligenter des enquêtes nécessaires ; de provoquer des poursuites pour faire sanctionner toutes personnes ou tous groupes de personnes, organisation, organismes entreprises ou autres services impliqués dans les actes de corruption, de blanchiment de capitaux et de faits assimilés dans les conditions fixées par la réglementation en vigueur ».

En dépit de sa mission de lutte contre la corruption, l’APLC s’est retrouvée au cœur d’un scandale en 2020. L’agence a été accusée d’avoir recouru à des méthodes contestables et d’avoir indûment perçu une somme de 30 000 dollars américains.

Dans son  rapport 2021, le seul disponible sur son site, l’APLC soutient avoir traité plus de 142 dossiers au cours de cette année, dont 66 dossiers de détournements de deniers publics et de fraude fiscale. Parmi ces dossiers, 20 ont été classés sans suite. Il est également mentionné que dans certains cas, les jugements ont été rendus et exécutés mais les plaignants n’ont pas toujours obtenu gain de cause. Les informations disponibles en ligne ne permettent pas d’analyser l’efficacité de l’APLC après l’année 2021. Cependant, elle continue à être active et en 2024 par exemple, elle a mis en place un numéro vert dans le cadre des élections des sénateurs et des gouverneurs, afin de permettre aux citoyens de dénoncer d’éventuelles irrégularités.

  • L’existence d’une stratégie nationale de lutte contre la corruption

Il est aussi important de noter qu’une stratégie nationale de lutte contre la corruption est déroulée par le gouvernement congolais depuis 2022, et s’étendra jusqu’en 2026. La vision de cette stratégie est de “faire de la République Démocratique du Congo, à l’horizon 2026, une société où le fléau de la corruption est sensiblement réduit et dont les ressources nationales sont investies dans le développement au profit des populations.”  Les informations disponibles en ligne ne permettent pas de connaître l’état d’avancement de cette stratégie.

Dans cette même perspective, le gouvernement congolais a lancé en août 2024 la bancarisation des frais de justice, afin d‘éviter leur détournement.

La RDC a renforcé sa stratégie de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB/FT) avec la loi n°22/068 portant lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive adoptée en décembre 2022, remplaçant la loi n° 04/2019 de 2004.

Cette nouvelle législation vise à aligner le cadre juridique du pays sur les normes internationales, notamment celles établies par le Groupe d’Action Financière (GAFI)[3]. Cette loi porte aussi sur l’organisation et le fonctionnement de la Cellule Nationale des Renseignements Financiers (CENAREF) qui centralise les efforts de détection et de prévention. Le mandat de cette unité consiste à recevoir, analyser et traiter des informations financières pour établir l’origine des transactions ou la nature de l’objet des déclarations de soupçon du contribuable. La CENAREF reçoit des informations auprès des organismes gouvernementaux, y compris les juridictions et l’Agence nationale de renseignement, ainsi que des sources anonymes.


Il est important de reconnaître quelques réalisations à cette structure, telles que le démantèlement d’un réseau mafieux dans le paiement de la TVA en 2024. Cette loi a également créé le Comité consultatif de lutte contre le blanchiment
de capitaux et le financement du terrorisme
, (COLUB), et le Fonds de lutte contre le crime organisé (FOLUCCO).

Malgré toutes ces dispositions, la RDC demeure à ce jour sur la liste grise[4] du GAFI.

Droit des médias et liberté d’expression

La liberté d’expression, la liberté de la presse et les droits des médias jouent un rôle crucial dans le lancement d’alerte. Ces droits fondamentaux permettent aux lanceurs d’alerte et aux journalistes de divulguer des informations sensibles en toute sécurité, d’attirer l’attention sur des actes répréhensibles et de protéger l’intérêt public. Le respect de ces droits favorise un environnement propice à la transparence, à la responsabilité et à la révélation d’informations d’intérêt général.

Bien que la Constitution en son article 24 prévoie la liberté de la presse, cette garantie est soumise au « respect de l’ordre public, des bonnes mœurs et des droits d’autrui ». De même, la liberté d’expression est garantie, sous réserve « du respect de la loi, de l’ordre public et de la moralité ».

L’ordonnance loi n°23/009 du 13 Mars 2023 fixant les modalités d’exercice de la liberté de la presse, la liberté d’information et d’émission par la radio et la télévision, la presse écrite ou tout autre moyen de communication en RDC, qui remplace la loi de 1996 sur les modalités de la liberté de la presse, encadre la liberté de la presse dans le pays.

L’article 4 de cette loi souligne que : « Toute personne dispose du droit d’informer et d’être informé, d’avoir ses opinions propres, d’exprimer ses idées et de les communiquer sans aucune entrave quel que soit le support utilisé, sous réserve du respect de l’ordre public et des bonnes mœurs. »

Le titre III de la même loi traite du droit public à l’information en ses articles 95 et 96 qui disposent respectivement que « les professionnels des médias ont le droit d’accéder à toutes les sources publiques d’informations et celles privées d’intérêt public. Ils ne peuvent divulguer leur source d’informations» et « sans préjudice des dispositions légales en vigueur, notamment sur les atteintes à la sûreté de l’Etat, à la défense nationale et le secret professionnel, tout détenteur d’information publique a l’obligation de fournir au professionnel des médias les informations d’intérêt public dont il a besoin. Toute rétention non justifiée d’information d’intérêt public est punie conformément à la loi ».

Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication est une institution publique indépendante chargée de réguler le secteur des médias et de la communication. Créé par la loi organique n° 11/001 du 10 janvier 2011, le Conseil joue un rôle crucial dans la promotion de la liberté de la presse, tout en veillant au respect de l’éthique professionnelle et des normes légales dans le domaine de l’audiovisuel et de la communication.

Sa mission, comme énoncé à l’article 8 de la loi organique qui la crée est de « garantir la liberté de la presse, de l’information et de tout autre moyen de communication des masses ; assurer la protection de la presse ; veiller au respect de la déontologie en matière d’information ; veiller à l’accès équitable des partis politiques, des associations et de toute autre personne aux moyens officiels d’information et de communication. »
Cette institution a également le pouvoir d’appliquer des sanctions en cas de manquements aux lois et régulations en vigueur. Les différentes sanctions sont énoncées au Chapitre VI, section 2 de la loi.

En 2024, Reporters Sans Frontières (RSF) classe la RDC[5] 123ème sur 180 pays. Le rapport souligne que « les journalistes sont menacés par une vague de pressions et de représailles depuis début 2023 malgré le cessez-le-feu au Nord-Kivu. Certains médias sont sommés par le M23 de réajuster leur ligne éditoriale. » La situation politique du pays impacte grandement le travail des journalistes. Le rapport précise également que les personnalités politiques ont une mainmise sur le paysage médiatique, et se servent des médias pour en faire « des instruments d’influence et de pouvoir ».

En septembre 2023, Stanis Bujakera, journaliste congolais, a été arrêté et accusé de diffuser de fausses informations suite à la publication d’un article qui évoquait le meurtre d’un politicien de l’opposition, Chérubin Okende. Stanis Bujakera est l’un des journalistes congolais les plus populaires en RDC. Il est le responsable du site « Actualité.cd », correspondant du magazine « Jeune Afrique » ainsi que de l’agence de presse britannique « Reuters ». Des organisations de défense des droits humains telles qu’Amnesty International[6] et RSF ont dénoncé son arrestation et exigé sa libération. Des acteurs de la société civile, le magazine Jeune Afrique, ainsi que PPLAAF, ont également mis en place une campagne médiatique pour la libération de ce journaliste. Il a finalement été libéré en mars 2024, après 6 mois de détention.

Le cas de Sonia Rolley, ancienne journaliste à RFI, a également suscité l’attention des médias. Cette dernière, connue pour avoir participé à des révélations sur des détournements de fonds en RDC notamment dans le cadre de l’enquête « Congo Hold-up », a été expulsée du territoire congolais en novembre 2022. Bien qu’elle soit allée en RDC en tant que journaliste d’investigation pour Reuters, elle n’avait pas encore reçu son accréditation, pourtant payée depuis le mois de septembre, mais disposait cependant d’une autorisation. Les autorités congolaises ont justifié son expulsion par un « séjour irrégulier ». Cependant, selon Amnesty International, cette expulsion est une preuve du climat dangereux pour la presse en RDC.

Malgré certaines améliorations sur le plan légal, les journalistes sont toujours victimes d’abus. Selon RSF, 4 journalistes sont encore détenus à ce jour.
Dans son rapport 2024 sur la liberté de la presse, Freedom House[7] considère le pays comme étant « non libre » avec un score de 19/100.

Cas de lancements d’alerte

L’objectif dans cette section est de répertorier les cas connus et publics de lanceurs d’alerte pour juger du traitement dont bénéficient les lanceurs d’alerte dans le pays.

Petit-neveu du héros de l’indépendance Patrice Lumumba, Jean Jacques Lumumba était un cadre dirigeant de la banque BGFI. Lorsqu’il découvre en 2016 des transactions suspectes de plusieurs millions de dollars entre la banque et des proches du président de l’époque, Joseph Kabila, Lumumba tente de prévenir ses superviseurs. En réponse, il sera menacé avec une arme à feu et quittera son pays pour se réfugier en France.

Ses révélations ont fait l’objet de publications, il s’agit des Lumumba Papers qui ont mis en lumière l’implication de la banque dans des actes de corruption, de financement illégal et de détournement de fonds ainsi que des transactions suspectes avec la Commission électorale nationale indépendante.

Suite à cela et avec le soutien de PPLAAF, Jean Jacques Lumumba et Guylain Luwere, un autre lanceur d’alerte congolais, ont assigné en justice la banque gabonaise et sa filiale congolaise en réparation des préjudices subis. La BGFI n’a cessé de considérer que les juridictions françaises étaient incompétentes, les demandeurs et les défendeurs étant des étrangers.

Dans deux arrêts en date du 29 juin 2022, la Cour de Cassation française a rendu une décision historique en statuant que tout étranger domicilié en France, y compris les réfugiés, bénéficie des mêmes droits qu’un citoyen français. Par cette décision, la Cour de cassation reconnaît la compétence des juridictions françaises dans cette affaire et affirme que Lumumba et Luwere sont légitimes à intenter une action juridique en France.

Respectivement chef de mission audit interne et auditeur interne, ils travaillaient pour la filiale congolaise de la banque Afriland First Bank à Kinshasa. D’abord habités par des soupçons suite à l’ouverture et la gestion atypique de certains comptes, ils mènent l’enquête et découvrent les dépôts d’espèces anormalement importants, se chiffrant à plusieurs centaines de milliers voire millions de dollars ou d’euros sur ces nouveaux comptes. Gradi Koko alerte sa hiérarchie et se retrouve, comme Lumumba, menacé : « tu pourrais te faire abattre à la sortie de la banque ». Les documents divulgués ont permis la rédaction du rapport de PPLAAF et Global Witness, « Des sanctions, mine de rien ». Ce rapport dénonce les pratiques de Dan Gertler dans le secteur minier en RDC alors même qu’il était sous sanctions américaines.

A la suite des révélations faites par Gradi Koko et Navy Malela, les Etats-Unis ont pris des sanctions à l’encontre d’une partie du réseau de Dan Gertler. Par ailleurs, aux côtés de l’Union Européenne et de la Corée du Sud, ils ont également imposé des sanctions à certains hommes d’affaires nord-coréens actifs en RDC.

Aujourd’hui réfugiés en France, les deux lanceurs d’alerte ont appris, lors d’une conférence de presse à Kinshasa tenue le 25 février 2021 par les avocats de la banque, leur condamnation à mort par contumace par le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa pour des faits de vol et d’association de malfaiteurs. Cette condamnation a été vivement dénoncée, notamment par les ambassades américaines, françaises et belges à Kinshasa. L’organisation des Nations-Unies, les ONG UNIS, Whistleblowing International Network, Transparency International et une cinquantaine d’autres organisations ont également rédigé une lettre ouverte au Président Félix Tshisekedi réclamant un cadre légal et institutionnel pour le statut de lanceur d’alerte ainsi que des mesures de protection immédiates pour Gradi et Navy. De son côté, PPLAAF entreprend toutes les démarches juridiques nécessaires pour faire annuler cette décision.

Expert en évaluation de diamants bruts dans la ville de Mbujimayi, Claude Mianziula a dénoncé les malversations qui prenaient place au sein de la société minière de Bakwanga. Alors qu’il avait évalué un diamant à 2.30 carats, le diamant Fancy Green, celui-ci disparaissait afin d’être remplacé par une pierre de moins grande valeur marchande. Finalement, et cela afin d’intimider Mianziula, une plainte est déposée contre lui pour imputations dommageables et injures publiques. Dans le cadre de cette plainte, il passera 55 jours en prison.

Considérée comme étant la « la plus grande fuite de documents d’Afrique », l’enquête Congo Hold-up a révélé d’importantes malversations financières en RDC, mettant en lumière des détournements de fonds publics par l’entourage de l’ancien président Joseph Kabila. Cette enquête a été menée grâce à l’analyse de plus de 3,5 millions de documents de la banque BGFI et a permis de découvrir que 138 millions de dollars avaient été détournés.

Les lanceurs d’alerte congolais, notamment Jean-Jacques Lumumba et Guylain Luwere, ont joué un rôle crucial en dénonçant ces pratiques frauduleuses. Leur action a été soutenue par PPLAAF et le média d’investigation français Mediapart, qui ont collaboré dans le cadre d’un consortium international de médias et d’ONG pour analyser et publier les résultats de l’enquête.

Les révélations du Congo Hold-up ont ainsi exposé comment des réseaux d’affaires ont utilisé la BGFI pour dissimuler des activités de corruption et de blanchiment d’argent.

Dan Gertler, homme d’affaires israélien, a fait  face à une série d’accusations portées par plusieurs ONG, notamment PPLAAF, Global Witness et CNPAV. Ces organisations l’accusent d’être impliqué dans des pratiques de corruption et de blanchiment d’argent, notamment pour contourner les sanctions américaines imposées à son encontre.

En réponse, Dan Gertler a engagé plusieurs actions en justice. En mars 2023, il a déposé une plainte pour diffamation contre Jean-Claude Mputu à Kinshasa, porte-parole de CNPAV ainsi que contre l’ONG Resource Matters, suite aux allégations concernant ses pratiques commerciales en RDC. Bien qu’il ait initialement annoncé son intention de suspendre les poursuites en avril 2023, il a finalement décidé de maintenir sa plainte, provoquant des réactions de la part d’un bon nombre d’organisations.

Lois sur l’accès à l’information et la confidentialité

Dans cette partie, il sera question d’aborder l’importance de l’accès à l’information publique pour les lanceurs d’alerte et les journalistes. Ces individus qui dénoncent des comportements illicites au sein de l’administration publique ont besoin d’informations fiables pour étayer leurs révélations. Le droit d’accès à l’information publique garantit la transparence et la responsabilité, offrant ainsi une protection accrue aux lanceurs d’alerte et aux journalistes qui peuvent s’appuyer sur des faits concrets lorsqu’ils divulguent des informations sensibles.

Le Sénat, chambre haute de la RDC, avait approuvé une loi sur l’accès à l’information en 2015. Cette mesure législative visait à rendre l’information détenue à tous les niveaux du gouvernement accessible publiquement et gratuitement. Cependant, l’Assemblée Nationale n’a pas validé le texte et une nouvelle législature a, depuis lors, débuté.


Le texte de 2015 comportait certains défauts sur lesquels il sera nécessaire de revenir dans le nouveau projet de loi. En effet, les agences avaient le droit de retenir un large éventail d’informations, y compris les documents relatifs aux délibérations exécutives, à la sécurité nationale, aux secrets commerciaux, aux données personnelles, aux ressources naturelles et aux enquêtes criminelles. Quiconque divulguait de telles informations pouvait être tenu pour responsable de tout grief qui en résulterait. Il était préoccupant que les ambiguïtés de la loi, associées à cette disposition, pouvaient rendre les agences réticentes à fournir des informations. A ce jour, la RDC ne possède toujours pas de loi relative à l’accès à l’information, bien que des plaidoyers soient faits en ce sens.

Recommandations : faiblesses et réformes nécessaires

Dans cette partie, il sera question de proposer des pistes d’amélioration pour l’État en ce qui concerne la protection des lanceurs d’alerte, la législation en vigueur contre la criminalité financière et la volonté du gouvernement de lutter contre ce fléau ainsi que sur le respect des libertés individuelles, notamment le droit à l’information, les libertés de la presse et d’expression, ainsi que les droits des médias.

En RDC, il existe certes des dispositions faisant acte de la lutte contre la corruption, mais une loi spécifique sur la question est inexistante. Il est important que les autorités congolaises y remédient afin de mieux encadrer la lutte contre ce fléau.  

Il serait opportun que la RDC se dote d’une loi relative à la protection des lanceurs d’alerte, conformément aux conventions internationales dont elle est signataire. Cette loi devrait offrir des garanties juridiques aux lanceurs d’alerte, les protégeant contre les représailles telles que les licenciements, les menaces, et les violences. Elle devrait également inclure des mécanismes pour signaler les abus de manière anonyme et sécurisée, et prévoir des sanctions pour les auteurs des représailles.

La RDC manque également de législation relative à l’accès à l’information, qui est une mesure pourtant très importante pour les lanceurs d’alerte et les journalistes. La mise en place d’une telle loi permettrait aux citoyens, aux médias et aux organisations de la société civile d’obtenir des données essentielles sur les actions des autorités publiques et garantirait la transparence du gouvernement.

La situation des journalistes en RDC est alarmante. Bien qu’existant, le cadre juridique encadrant la liberté de presse reste insuffisamment appliqué en RDC. Il est essentiel de promouvoir un environnement médiatique plus libre et plus sécurisé pour les journalistes.  

Centre de connaissances, de soutien et d’action

Dans cette section, il s’agira d’explorer le paysage dynamique des organisations de la société civile, des ONG et des mouvements citoyens qui s’engagent activement dans la promotion de la bonne gouvernance. Ces entités représentent des sources précieuses de connaissances et d’expertise, jouant un rôle crucial dans le renforcement des pratiques démocratiques.

CNPAV est une coalition regroupant 16 associations congolaises et non-congolaises, qui a pour principal objectif d’éradiquer la corruption.

Contact (corruptiontue.org)

Créé par des lanceurs d’alerte et des activistes africains, UNIS a pour but d’œuvrer pour un monde plus juste.

UNIS “Réseau Panafricain de Lutte contre la Corruption” | Facebook

https://twitter.com/networkunis?s=11&t=fkA8rHm-ZCnuWLKEoIB6Rg

Numéro de tél : 00243 81 197 198 4

Notes de bas de page

[1]  Transparency International est une organisation non gouvernementale (ONG) dédiée à la lutte contre la corruption à l’échelle mondiale. Fondée en 1993 et basée à Berlin, en Allemagne, l’organisation milite en faveur de la transparence, de la responsabilité et de l’intégrité tant dans le secteur public que privé. Elle mène des recherches, publie des rapports et promeut des changements politiques pour lutter contre la corruption à l’échelle mondiale. Transparency International est renommée pour son Indice de Perception de la Corruption (IPC), qui classe les pays en fonction du niveau perçu de corruption dans leur secteur public.

[2] L’indice de perception de la corruption est le principal indicateur mondial de la corruption dans le secteur public. Il note 180 pays et territoires du monde entier sur la base de données provenant de 13 sources externes tels que la Banque Mondiale, le Forum économique mondial, des sociétés privées de conseil et de risques etc. L’indice classe les pays sur une échelle de 0 à 100, où 0 indique un niveau élevé de corruption perçue et 100 un niveau de corruption très faible.

[3] Organisme mondial de surveillance du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme qui définit les normes internationales visant à prévenir ces activités illégales.

[4] Liste du GAFI regroupant les pays placés sous surveillance renforcée et engagés à résoudre les lacunes de leur régime de LBC/FT ainsi que du financement de la prolifération.

[5] RSF est une organisation non gouvernementale internationale fondée en 1985 et qui a pour mission de défendre la liberté de la presse, de promouvoir le journalisme indépendant et de protéger les journalistes dans le monde entier. L’organisation travaille activement pour dénoncer la censure, la répression et les atteintes à la liberté d’expression. RSF publie régulièrement un classement mondial de la liberté de la presse, qui évalue la situation des médias dans chaque pays en fonction de critères tels que la pluralité des opinions, l’accès à l’information et la sécurité des journalistes.

[6] Amnesty International est une ONG fondée en 1961, dédiée à la défense des droits humains à travers le monde, luttant contre la torture, la peine de mort, et pour la libération des prisonniers d’opinion.

[7] Freedom House est une organisation non gouvernementale américaine fondée en 1941. Son objectif principal est de promouvoir et de défendre la démocratie, les droits de l’homme et les libertés fondamentales à travers le monde. Freedom House évalue la situation des droits politiques et des libertés civiles dans chaque pays et produit des rapports et des indices pour mesurer le degré de liberté et de démocratie.

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