République centrafricaine : les méthodes de désinformation des russes révélées par un lanceur d’alerte

PPLAAF aide un journaliste à échapper aux intimidations et aux menaces d’un réseau secret lié aux Russes

(Paris, le 21 novembre 2024) — Le journaliste centrafricain Ephrem Yalike-Ngonzo à l’origine de l’enquête exclusive de Forbidden Stories et ses partenaires est l’un des premiers en exil à lancer l’alerte sur la manipulation de l’information et les intimidations brutales d’un réseau secret lié à la Russie, a déclaré la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) aujourd’hui. Recruté par un agent russe pour relayer des communiqués en faveur de l’armée centrafricaine et de ses nouveaux partenaires russes, il devait également démentir la voix des opposants, encenser la présence russe et dissimuler les exactions commises par le groupe de mercenaires Wagner.

Depuis 2022, PPLAAF accompagne Forbidden Stories et soutient Ephrem Yalike-Ngonzo afin de lui permettre de témoigner en sécurité de ces agissements répréhensibles. Il a notamment expliqué comment le groupe s’attaquait aux institutions et pays occidentaux notamment la France, les Etats-Unis et les Nations Unies.

« J’ai frôlé la mort, mais je ne regrette rien. Lancer l’alerte, c’est une manière pour moi de contribuer au retour à l’Etat de droit dans mon pays », a indiqué Ephrem Yalike-Ngonzo à PPLAAF. « Je dénonce un système de communication russe en Centrafrique basé sur la désinformation et la machination. J’alerte l’opinion sur les multiples violations des droits de l’homme commises par les Russes en République Centrafrique ».

En mars 2022, après avoir reçu des menaces, Ephrem Yalike-Ngonzo décide de quitter la République Centrafricaine avec sa femme et son fils. Début 2024, il est interpellé à l’aéroport de Bangui, alors que sa famille parvient à embarquer dans un avion pour l’Europe, puis est interrogé par la police locale. Son passeport saisi avec l’ensemble de ses documents, il est convoqué pour le lendemain. Il décide alors de se cacher dans la capitale centrafricaine et de ne pas se rendre à l’interrogatoire. Il aurait été recherché, notamment par des agents russes. Sans argent et sans papiers, il parvient à traverser l’Oubangui, la rivière formant la frontière avec la République démocratique du Congo. PPLAAF l’aide à y trouver un refuge, en attendant de rejoindre l’Europe.

« Il fallait que je quitte le pays pour retrouver ma femme et mon enfant, mais je n’avais plus aucun moyen ou document de voyage », a dit Ephrem Yalike-Ngonzo. « J’étais en contact permanent avec PPLAAF. Je me suis senti un peu en sécurité parce que PPLAAF avait une volonté réelle de me sauver, vu la gravité de la situation ».

Forbidden Stories est un réseau international de journalistes d’investigation dont la mission est de poursuivre le travail de reporters réduits au silence. Avec 10 partenaires, dont Le Monde, Radio France, RFI, Der Speigel, Paper Trail media, Der Standard, Dossier Center, IStories, The Continent et Actualite.cd, ils publient aujourd’hui une enquête exclusive. Elle se fonde principalement sur les témoignages et les documents fournis par Ephrem Yalike-Ngonzo, qui a participé aux opérations d’influence russes de 2019 à 2022. Les journalistes ont pu identifier l’un des responsables de la désinformation et ses liens directs avec des réseaux d’Evgueni Prigojine. Avec ce réseau, Bangui est devenue le laboratoire des opérations d’influence russes sur le continent. L’enquête montre également comment les méthodes appliquées en Centrafrique ont été répliquées ailleurs en Afrique.

Le groupe Wagner a, depuis la mort de son leader, Evgueni Prigojine, été remplacé par les mercenaires d’Africa Corps. Depuis plusieurs années, Wagner soutient militairement le gouvernement centrafricain, contrôle des ressources clés comme des mines d’or et de diamants, et est responsable de graves violations des droits humains. Ces abus visent notamment des populations civiles perçues comme proches de groupes rebelles, y compris des actes de torture.

« Il faut un courage inimaginable pour se dresser contre un des réseaux les plus impitoyables de la planète », a déclaré Henri Thulliez, Directeur exécutif de PPLAAF. « La fabrication de la désinformation dénoncée par Ephrem est un véritable fléau, tant elle plonge les opinions de pays entiers dans l’obscurité la plus totale. En cela, l’acte d’Ephrem est particulièrement salutaire ».

Forbidden Stories et ses partenaires n’ont pas reçu de commentaires ou de réponses de la part des personnes citées dans leurs publications.

A propos de PPLAAF

La Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) est une organisation non gouvernementale créée en 2017. PPLAAF vise à défendre les lanceurs d’alerte, ainsi qu’à mener du plaidoyer et engager des contentieux stratégiques en leur nom lorsque leurs révélations traitent de l’intérêt général des citoyens Africains.

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