Aujourd’hui, en Afrique et dans le monde entier, plus que jamais, les citoyens prennent conscience de l’étendue des pouvoirs obscurs des puissants sur la vie quotidienne de chacun.
Grâce au développement des systèmes de communication, mêlé à une mondialisation accrue et aux révélations de lanceurs d’alerte, nous cernons mieux la surveillance jusqu’au-boutiste des services de renseignement ou la perte financière engrangée par des politiques bancaires favorisant la fraude fiscale et le blanchiment d’argent. Les réseaux sociaux créent de nouveaux espaces de divulgation d’informations, de nouvelles façons de prendre conscience des excès du pouvoir.
Cette prise de conscience s’accompagne d’une intolérance vis-à-vis de ceux qui détiennent les pouvoirs et qui en profitent pour mener des activités obscures illégales ou contraires à l’intérêt général. Dans de nombreux pays, une nouvelle génération d’activistes ou de citoyens indignés sortent du cadre traditionnel de l’activisme des sociétés civiles pour dénoncer et s’opposer. Le rassemblement au sein d’associations ou d’ONG n’est plus la structure essentielle pour s’opposer aux dérives de l’Etat. Les lanceurs d’alerte sont une personnification de cette évolution.
Le lanceur d’alerte est une personne qui, dans le cadre de sa profession, devient le témoin d’actes dissimulés de corruption, d’injustice, d’abus de pouvoir ou de menaces à la santé publique ou à l’environnement. Ces actions ou omissions divulguées par le lanceur d’alerte peuvent être illégales, mais aussi immorales ou contraires à l’intérêt général. Son indignation va le pousser à s’inscrire dans une dynamique activiste.
Témoins directs, les lanceurs d’alerte, parfois banquier, soldat, ministre ou comptable, peuvent considérablement aider à lutter contre les flux illicites, les contrats conclus de gré à gré, la prédation des ressources publiques par les régimes en place ou par des multinationales. Mais les lanceurs d’alerte risquent, en raison de leur position, de souffrir d’actes de représailles et de vengeance.
Les lanceurs d’alerte et l’Afrique
Dans certains pays africains, les malversations perpétrées par des élites politiques et des hommes d’affaires ont pu éclater au grand jour grâce à des lanceurs d’alerte.
Jean-Jacques Lumumba, banquier congolais, a jeté la lumière sur de graves détournements financiers liant la famille Kabila. Après avoir dénoncé au directeur de la banque, le frère de Kabila lui-même, les malversations, il a été menacé de mort et contraint de quitter la RDC. Il a transmis ses informations à la presse et PPLAAF l’a aidé à se protéger et a enquêté sur ses documents.
En Afrique du Sud, PPLAAF a accompagné Mosilo Mothepu et Bianca Goodson, deux lanceuses d’alerte à l’origine des révélations sur le système de prédation des ressources mis en place par la famille Gupta. En Algérie ou au Nigéria encore, PPLAAF soutient des lanceurs d’alerte qui sont victimes de multiples représailles judiciaires alors qu’ils ont simplement dénoncé des activités illégales de corruption.
Le cadre juridique censé protéger les lanceurs d’alerte est extrêmement faible. L’Afrique ne fait pas exception. Seuls 8 pays sur 54 ont adopté des lois de protection des lanceurs d’alerte, contre 11 sur 28 en Europe, alors que de grands flux d’argent sale et opaque prospèrent et que la séparation entre intérêt général et intérêt personnel est brouillée.
C’est d’ailleurs la gangrène de la corruption qui est une des causes du terrorisme au Sahel. La menace terroriste est savamment instrumentalisée par les kleptocrates contre les promesses, parfois en monnaie de singe, pour « s’acheter » une impunité ou, en tout cas, le silence des pays occidentaux. Cette dramatisation inédite est un facteur de risque supplémentaire pour les lanceurs d’alerte et une obligation pour nous de les protéger.
Plus les institutions démocratiques sont défaillantes, plus ces citoyens qui souhaitent partager des informations sensibles avec l’opinion publique ou le pouvoir judiciaire se trouvent dans une situation particulièrement vulnérable et dangereuse.
Comment protéger les lanceurs d’alerte ?
A ces témoins directs de comportements dommageables à l’intérêt général, il faut offrir une protection pour les aider à partager leurs informations avec l’opinion publique ou le pouvoir judiciaire.
C’est pourquoi PPLAAF a été créée, pour mettre à la disposition des lanceurs d’alerte un système protégé de communication et de transmission d’informations. Une communauté d’avocats, de militants, d’ONG, agissant comme bouclier contre de potentielles représailles et menaces, peut maintenant les aider avant, pendant et après leurs révélations. Leur droit à la liberté d’expression doit également être inscrit dans des lois solides et modernes de protection des lanceurs d’alerte.
L’Afrique a besoin de ces sentinelles citoyennes pour endiguer les graves atteintes à l’Etat de droit. Les lanceurs d’alerte doivent pouvoir y bénéficier d’un véritable accompagnement, tant il est nécessaire, comme l’a rappelé Hannah Arendt « de faire une place à la désobéissance civile dans le fonctionnement de nos institutions publiques »
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