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France : Un avocat condamné pour diffamation envers des lanceurs d’alerte congolais et l’association PPLAAF

L’avocat français d’Afriland et de Dan Gertler était poursuivi pour des propos tenus après la publication d’enquêtes portant sur ses clients

Paris, le 3 juin 2022 – Le Tribunal judiciaire de Paris a condamné l’avocat Me Eric Moutet pour avoir qualifié les lanceurs d’alerte congolais Gradi Koko Lobanga et Navy Malela Mawani de « faussaires » lors d’interviews tenues avec des médias congolais en février 2021, a déclaré la Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique (PPLAAF) aujourd’hui.

Me Eric Moutet s’était servi d’un jugement rendu par le tribunal de Kinshasa quelques mois plus tôt condamnant à mort les deux lanceurs d’alerte.

Cette condamnation, particulièrement décriée, avait été obtenue par la banque Afriland lors d’un procès frauduleux en de nombreux points. Les lanceurs d’alerte n’en avaient pas été informés et le jugement les avait condamnés à des peines non prévues par le Code pénal congolais. S’agissant de ce jugement, la 17ème chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris a relevé, le 2 juin 2022, que les termes et la syntaxe paraissaient incertains et que son authenticité n’avait pas été confirmée.  

La décision du Tribunal judiciaire de Paris est la première condamnation dans la campagne d’intimidation menée par l’entourage du magnat minier Dan Gertler contre des lanceurs d’alerte, des associations et des journalistes. Cette campagne faisait suite au rapport « Des Sanctions, Mine de rien » publié en juillet 2020 par les organisations PPLAAF et Global Witness.

Le Tribunal judiciaire de Paris a considéré que Me Eric Moutet avait imputé aux lanceurs d’alerte, défendus par Me Antoine Beauquier, des falsifications sur le fondement de bases factuelles insuffisamment probantes.

Me Eric Moutet a également été condamné pour avoir accusé PPLAAF, assistée par Me Vincent Brengarth, d’avoir mis en danger les lanceurs d’alerte au mépris de sa mission de défense et de protection. Le Tribunal a sanctionné des propos proférés dans l’objectif de dénigrer l’association, en la rendant responsable, par un renversement de responsabilité, d’une condamnation à mort prononcée dans des circonstances troubles. Le Tribunal a enfin relevé que Me Eric Moutet avait fait dégénérer l’exercice de la défense des intérêts de sa cliente en une attaque gratuite et mensongère envers l’association PPLAAF.

« Les attaques contre les lanceurs d’alerte, les ONG et les journalistes à la suite de publications d’intérêt général portant sur Dan Gertler et son réseau ont été systématiques et brutales. Elles visaient vainement à nous bâillonner et nous intimider », a dit William Bourdon, président de PPLAAF. « Il était impensable que les graves abus dans l’exercice de sa liberté d’expression par un avocat ne soient pas sanctionnés ».

Les associations PPLAAF et Global Witness sont également visées par deux procédures à Kinshasa diligentées par la banque Afriland mais également 6 plaintes avec constitution de partie civile pour diffamation déposées concomitamment à Paris. Conformément au droit applicable, elles entraineront la mise en examen automatique des organisations avant qu’un procès ne se tienne. Enfin une dernière plainte avec constitution de partie civile a été déposée à Paris par la banque Afriland pour les mêmes faits que ceux ayant entrainé la condamnation à mort des lanceurs d’alerte.

Outre ces neuf procédures baillons, les associations ont été soumises à des pressions multiples et ont fait l’objet d’une vaste campagne de désinformation sur les réseaux sociaux.

Les enquêtes publiées montraient que le magnat des mines Dan Gertler avait bénéficié de ce qui s’apparente à un réseau de blanchiment pour contourner les sanctions américaines. La banque congolaise Afriland apparaissait comme jouant un rôle central dans les mécanismes mis en œuvre. En 2017, les Etats-Unis ont sanctionné Dan Gertler, un ami proche de l’ancien président de la RDC, Joseph Kabila, en raison de ses « contrats miniers et pétroliers opaques et entachés de corruption ».

Les investigations montraient également que la banque hébergeait des comptes bancaires pour des individus nord-coréens agissant apparemment pour le compte de leur pays, et pour des sociétés sanctionnées par les Etats-Unis pour leur proximité avec le Hezbollah. En outre, elles indiquent que des hommes politiques congolais et des institutions publiques menaient des opérations frauduleuses à la banque.

En décembre 2021, le Trésor américain a sanctionné d’autres sociétés de Gertler ainsi qu’un individu, Alain Mukonda. Dans son communiqué, l’OFAC indiquait qu’avec « l’action d’aujourd’hui, le nombre d’entités et d’individus sanctionnés dans le réseau de Gertler […] s’élève à 46 ». Le rôle joué par ces sociétés et Alain Mukonda avait été révélé par les enquêtes publiées grâce à Gradi Koko et Navy Malela.

En avril 2022, le Conseil de l’Union européenne a sanctionné deux ressortissants nord-coréens en raison de leur « soutien financier aux programmes nucléaires et balistiques ». Le Conseil de l’UE a reconnu que ces deux individus avaient « ouvert un compte bancaire dans une succursale de Lubumbashi » de la banque Afriland, « en violation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies ».

La Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) est une organisation non gouvernementale créée en 2017. PPLAAF vise à défendre les lanceurs d’alerte, ainsi qu’à mener du plaidoyer et engager des contentieux stratégiques en leur nom lorsque leurs révélations traitent de l’intérêt général des citoyens Africains

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