Publié en 2024
Sources juridiques
- Convention des Nations Unies contre la corruption de 2005
- Convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption de 2003
- Constitution
- Loi n°65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal
- Loi n°2016-29 du 08 novembre 2016 modifiant le Code pénal et modifications ultérieures
- Loi n°97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du travail
- Loi n°2012-30 du 28 décembre 2012 portant création de l’Office national de Lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC)
- Loi n°2012-22 du 27 décembre 2012 portant Code de Transparence dans la gestion des finances publiques
- Loi n°2018-03 du 23 février 2018 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme
- Loi n°81-53 du 10 juillet 1981 relative à la répression de l’enrichissement illicite
- Loi n°81-54 du 10 juillet 1981 créant une Cour de Répression de l’Enrichissement illicite
- Loi n°2017-27 du 13 juillet 2017 portant Code la presse
Résumé exécutif
Bien que le Sénégal ait ratifié la Convention des Nations Unies et la Convention de l’Union Africaine contre la corruption qui prévoient des outils de lutte contre ce phénomène, notamment en faveur des lanceurs d’alerte, le pays n’a pas encore adopté de loi spécifique pour les protéger.
Par ailleurs, bien qu’il existe un certain nombre de dispositions législatives et d’organes de contrôle pour lutter contre la corruption, leur efficacité semble limitée au regard du peu d’enquêtes, de poursuites, de condamnations, relatives à cette infraction.
Enfin, en ce qui concerne la liberté d’expression, la liberté de la presse et les droits des médias, le Sénégal, autrefois considéré comme un modèle en Afrique de l’Ouest, a connu ces dernières années un certain recul. Ainsi, le Sénégal est confronté au défi de rétablir son positionnement exemplaire en mettant en œuvre toutes les mesures requises pour garantir la sécurité des journalistes et faciliter l’exercice de leur métier.
Lois et mesures relatives aux lanceurs d’alerte
- Absence de dispositions spécifiques relatives à la protection des lanceurs d’alerte dans le droit interne
Le Sénégal a ratifié le 14 décembre 2005 la Convention des Nations Unies contre la corruption, qui consacre la nécessité de mettre en place une protection effective contre les représailles, les intimidations et menaces aux témoins, victimes ou experts. Le pays a également ratifié la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption le 15 février 2007. En vertu de ces textes, le Sénégal devrait adopter des mesures législatives pour protéger les lanceurs d’alerte contre les représailles, mais le pays ne dispose à ce jour d’aucune législation spécifique en la matière.
De manière plus générale, et avant l’adoption d’une loi spécifique portant protection des lanceurs d’alerte, des dispositions dans le code de procédure pénale pourraient utilement contribuer à la protection des témoins clés, à permettre leur déposition / audition dans l’anonymat, etc. Ces dispositions sont envisagées dans le cadre d’un avant-projet de loi préparé par le Ministère de la Justice et transmis au chef du Gouvernement. Au-delà, le Sénégal envisage également un projet de loi sur les lanceurs d’alerte qui est en cours de d’élaboration au niveau de l’OFNAC avec l’appui de la PPLAAF.
A ce stade, en l’absence de dispositions spécifiques adoptées au Sénégal, les dispositions relatives au secret professionnel s’appliquent : le secret est protégé mais n’est pas opposable aux autorités judiciaires, ce qui permet ainsi de déposer auprès des autorités par des employés ou témoins clés (voir encadré ci-dessous).
Le Préambule de la Constitution sénégalaise affirme l’attachement du « Peuple du Sénégal souverain (…) à la transparence dans la conduite et la gestion des affaires publiques ainsi qu’au principe de bonne gouvernance », cela ne se traduit pas par des mesures concrètes à destination des lanceurs d’alerte dans le droit interne. Ainsi, la loi n°65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal ne prévoit aucune disposition pour la protection de ces acteurs, mais condamne « la révélation de secret ». En ce sens, l’article 363 dispose que le personnel soignant et « toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession ou par fonctions temporaires ou permanentes, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d’un emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 50.000 à 300.000 francs (…) »
L’article 363 de préciser que « le secret professionnel n’est jamais opposable au juge pour les nécessités des investigations (…), aux officiers de police judiciaire et aux agents de la Direction générale des Impôts et des Domaines agissant dans le cadre des enquêtes préliminaires diligentés sur instructions écrites du Procureur spécial près de la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite (…) ». Ce même code sanctionne le faux témoignage aux articles 355 à 359 et la dénonciation calomnieuse à l’article 362.
Selon la même approche, la loi n°97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du travail dans son article L.56 précise que « les licenciements effectués sans motifs légitimes, de même que les licenciements motivés par les opinions du travailleur, son activité syndicale, son appartenance ou son non appartenance à un syndicat déterminé, en particulier, sont abusifs ». Cette disposition protège indirectement tout lanceur d’alerte, comme tout salarié, de sanctions de licenciement abusives qui seraient en réaction à la divulgation d’informations.
- La loi n°2012-30 du 28 décembre 2012 créant l’Office national de Lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC)
La loi n°2012-30 du 28 décembre 2012 a créé l’Office National de Lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC). Il s’agit d’une autorité administrative indépendante qui a pour objectifs la prévention et la lutte contre la fraude, la corruption, les pratiques assimilées et infractions connexes en vue de promouvoir l’intégrité et la probité dans la gestion des affaires publiques (article 2). L’OFNAC a notamment pour mission de « collecter, d’analyser et de mettre à la disposition des autorités judiciaires chargées des poursuites les informations relatives à la détection et à la répression des faits de corruption, de fraude et de pratiques assimilées, commis par toute personne exerçant une fonction publique ou privée » ainsi que de « recevoir les réclamations des personnes physiques ou morales se rapportant à des faits de corruption, de pratiques assimilées ou d’infractions connexes » (article 3). L’OFNAC peut, pour l’exécution de ses missions : « entendre toute personne présumée avoir pris part à la commission de l’un des faits prévus par la loi » et « recueillir tout témoignage, toute information, tout document utile, sans que le secret professionnel ne puisse lui être opposé ».
Dans son rapport d’activités 2021, le Bureau des plaintes de l’OFNAC rapporte avoir reçu un total de 100 plaintes et dénonciations, ce qui porte le nombre total de plaintes enregistrées depuis la création de l’OFNAC à 1750. En 2021, 90 ordres d’ouverture d’enquête ont été signés par la Président et notifiés au Département d’investigation pour exécution. Les plaintes anonymes ont représenté 35% des plaintes en 2021 soit 5 points de plus que l’année passée (30,23%).
- La loi n°2012-22 du 27 décembre 2022 portant Code de Transparence dans la Gestion des finances publiques
Conformément à la loi n°2012-22 du 27 décembre 2012 établissant le Code de Transparence dans la Gestion des finances publiques, les fonctionnaires sont tenus de rapporter les infractions à la loi aux autorités judiciaires. L’article 7.3 de cette loi précise que des sanctions, conformes aux principes de l’État de droit, sont prévues à l’encontre de toute personne, qu’elle soit élue ou agent public, qui viole les règles relatives à l’utilisation des fonds publics, et que « la non dénonciation à la justice de toute infraction à ces règles par un agent public qui en aurait eu connaissance est sanctionnée pénalement. ». Cependant, il n’existe actuellement aucun mécanisme juridique destiné à protéger les fonctionnaires contre d’éventuelles représailles sur leur lieu de travail ou contre des poursuites civiles et/ou criminelles en réaction à ce type de dénonciations éventuelles.
Centres de connaissances, de soutien et d’action
La Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique (PPLAAF) a un bureau de représentation à Dakar, au Sénégal appelé « Maison de l’Alerte ». La Maison de l’Alerte est un lieu central et un espace privilégié pour les lanceurs d’alerte africains, mais également pour les personnes et les organisations impliquées dans la sensibilisation au lancement d’alerte. La Maison de l’Alerte est également une plateforme de discussions sur les questions démocratiques, la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent. C’est enfin un lieu de rencontres d’une large variété d’acteurs qui peuvent agir comme un bouclier citoyen pour les lanceurs d’alerte.
Au Sénégal, PPLAAF a fait le constat d’un véritable déficit de compréhension de la notion de lanceur d’alerte par la population et par les professionnels. En témoigne la récente formation de sensibilisation sur la notion de lanceur d’alerte réalisée par PPLAAF et Expertise France dans le cadre du projet OCWAR-M, financé par l’Union européenne, et destinée au barreau sénégalais. A l’occasion d’une formation des avocats de ce pays, qui s’est tenue en février 2022, PPLAAF s’est rendue compte que même pour ces professionnels, la notion de lanceur d’alerte demeure mal comprise. Il est donc urgent d’agir en ce sens.
Contact : Jimmy KANDE, Directeur Afrique de l’Ouest et francophone
Tél : +221 76 565 92 18
Adresse e-mail : jimmy@pplaaf.org
Adresse : Immeuble sis au N°102 Cité Téranga 2 Mermoz-Pyrotechnie ou Cité Keur Gorgui (2ème étage), Dakar, Sénégal
Le Forum Civil est la section sénégalaise de Transparency International. Cette ONG a pour objectif de contribuer à l’amélioration du cadre juridique, réglementaire et institutionnel de lutte contre la corruption. Elle travaille avec les populations pour renforcer leurs capacités, coopère avec l’Etat et ses organes notamment sur des propositions de loi et organise des actions de sensibilisation et de plaidoyer pour l’amélioration de la gouvernance publique.
L’ONG 3D est une organisation qui agit pour la promotion des droits humains, le développement local, la démocratie et la bonne gouvernance. S’agissant du volet démocratie et bonne gouvernance, l’ONG se donne pour missions :
- De promouvoir la gouvernance ouverte au niveau national et local,
- De contribuer à une gestion équitable et rationnelle des ressources naturelles et financières,
- Et de contribuer à la participation quantitative et qualitative des citoyens aux élections et à une meilleure gestion des processus électoraux.
Afrikajom Center a été créé en 2018 par Alioune Tine. Il s’agit d’un centre régional de formation, de recherche et un think thank qui a pour vision la construction d’un monde plus juste et équitable. Afrikajom Center met au centre de ses actions la promotion de la bonne gouvernance, les défis de la paix et de la sécurité.
Publiez ce que vous payez (PCQPV) est une coalition d’organisations de la société civile dont l’objectif est de rendre le secteur de l’extraction plus transparent et responsable, afin que les revenus des industries pétrolières, gazières et minières contribuent à l’amélioration des conditions de vie des populations des pays riches en ressources naturelles.