Comment Bain & Company a soutenu la captation de l’agence de perception des revenus de l’Etat Sud-Africain

Bain & Company est un cabinet international de conseil en stratégie basé à Boston depuis 1973. C’est l’un des trois plus grands cabinets de conseil au monde avec McKinsey & Company et le Boston Consulting Group. Implanté dans de nombreux pays dont l’Afrique du Sud, le cabinet de conseil a conduit en 2015 une mission de restructuration de l’agence de perception des revenus de l’Etat « SARS » (South African Revenue Service) dirigée alors par Tom Moyane, qui a résulté en la destruction d’une grande partie de ses capacités.

Les premières révélations sur l’implication de Bain & Company dans la déstructuration de SARS remontent à la Commission Nugent mise en place par le Président Ramaphosa en 2018. Cette commission devait notamment déterminer si les écarts par rapport aux processus établis avaient injustement bénéficié à des personnes politiquement liées et à des personnes liées aux cadres dirigeants de SARS.

Athol Williams, qui entretenait de bons rapports avec Bain & Company depuis sa première embauche en 1995, y était revenu pour superviser l’examen mené par le cabinet d’avocats Baker McKenzie sur la manière dont le contrat avec SARS avait été géré.

Athol Williams était ainsi chargé d’établir un rapport à destination de la Commission Nugent sur la fiabilité de l’examen mené par Baker McKenzie. Mais n’ayant pas eu accès aux résultats d’enquête du cabinet d’avocats, malgré ses demandes répétées, il n’a pu se prononcer. La Commission Nugent avait par ailleurs relevé dans son rapport final en date du 11 décembre 2018, l’absence de transparence de Bain & Company durant l’enquête.

En 2018, l’ex Président Jacob Zuma a mis en place la Commission d’enquête sur les allégations de captation d’État, de corruption et de fraude dans le secteur public dont les organes de l’État, connue sous le nom de « Commission Zondo ». Du fait des éléments dont il a eu connaissance chez Bain & Company, Athol Williams a proposé ses services à la Commission. Il a ainsi pris six mois pour rédiger une déclaration sous serment de 700 pages.

C’est en rédigeant cette déclaration et en analysant les quelques 500 documents encore en sa possession qu’Athol Williams est arrivé à la conclusion que non seulement Bain & Company avait caché un certain nombre d’éléments graves mais que le cabinet était l’instigateur d’une captation d’État pour son propre compte.

En mars 2021, Athol Williams a témoigné devant la Commission Zondo avec l’assistance de PPLAAF qui a publié le même mois un rapport sur la captation de SARS d’après ses révélations.

Interviewé par le Mail & Guardian après son témoignage, Athol Williams a révélé une vingtaine de réunions passées de 2012 à 2016 entre Vittorio Massone, le Directeur associé de Bain en Afrique du Sud, et l’ancien Président Jacob Zuma. Ils auraient échangé sur divers projets dans le cadre du « remodelage de l’économie sud-africaine », incluant la création d’une agence présidentielle qui dans les faits, supplanterait les autres organes exécutifs de l’État.

D’après les preuves présentées par Athol Williams, Massone aurait évoqué à de multiples occasions le manifeste électoral de 2014 du parti au pouvoir et présenté des documents décrivant comment Bain & Company aurait aidé à la mise en œuvre du manifeste.

Pour Athol Williams, ces discussions et documents indiquaient la volonté de Bain & Company de promouvoir les objectifs politiques du parti. Des membres de cabinets ministériels auraient également participé à ces réunions selon le lanceur d’alerte.

En outre, Massone et Zuma auraient également discuté de grouper quatre entités : Telkom (entreprise sud-africaine de télécommunications), South African Broadcasting Corporation – SABC – (compagnie de radio et de télévision sud-africaine), South African Post Office (service postal d’Afrique du Sud) et Sentech (fournisseur sud-africain de services de réseaux de communications électroniques pour l’industrie de la radiodiffusion et des communications).

Athol Williams avait déclaré au journal Mail & Guardian que ce qui le préoccupait et devrait préoccuper tous les Sud-Africains, c’était que cette restructuration, comme d’autres plans élaborés par Bain & Company, conduirait à une concentration des infrastructures et des marchés publics, très probablement avec des critères de gouvernance moins strictes. Ainsi, le projet participerait à la captation des richesses de l’État et rapporterait à Bain & Company des honoraires plusieurs fois supérieurs au contrat initial de 164 millions de rands passé avec SARS.

Par ailleurs, si Bain & Company a remboursé les honoraires perçus grâce à SARS, il n’a remboursé aucun des quelques 2 milliards de rands d’honoraires perçus auprès du secteur public, selon les estimations d’Athol Williams.

La Commission Zondo, chargée d’enquêter sur les soupçons de corruption et de captation d’État, est toujours en cours. Le Juge Raymond Zondo a annoncé le 17 juin 2021 qu’il demanderait une prolongation de la Commission d’enquête jusqu’en septembre 2021, pour de nouvelles auditions et l’achèvement du rapport final.

Du reste, PPLAAF continue de soutenir le lanceur d’alerte qui poursuit sa lutte contre la corruption et son combat pour que soient tenus pour responsables, ceux qui ont participé à la captation d’État. De plus, Athol Williams aide à présent d’autres lanceurs d’alerte et demande à ce qu’ils soient protégés et soutenus en Afrique du Sud.

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