Ravo Ramasomanana

Amende infligée à un lanceur d’alerte pour avoir dénoncé des irrégularités dans les marchés publics et le détournement de fonds destinés aux centres de santé en pleine pandémie de Covid-19

Image : RFI/Sarah Tétaud

«En avril dernier, j’étais très malade du Covid. J’étais face à la mort ; ça a été le déclic, ce qui m’a poussé à dénoncer les magouilles dont j’étais témoin depuis des mois. Je devais partager ça et ne pas l’emmener avec moi dans mon tombeau, c’est ça qui m’a donné le courage de faire la vidéo »

Ravo Ramasomanana

Ravo Ramasomanana est un ancien fonctionnaire du ministère de la Santé Publique à Madagascar. Il travaillait au sein du service d’attribution des marchés. Dans le cadre de ses fonctions, il dit avoir été témoin de plusieurs irrégularités liées à l’attribution du contrat public pour la construction d’un centre de transplantation rénale à l’hôpital universitaire d’Andohatapenara qui a débuté en 2019.  Membre du service d’attribution des marchés, il est démis de ses fonctions en novembre 2020 après avoir refusé de signer des documents entachés  d’irrégularités et de corruption.

Le 15 avril 2021, Ravo Ramasomanana publie une vidéo sur ses réseaux sociaux où il dénonce le supposé manque d’action de la part du gouvernement malgache face à la crise sanitaire de la Covid-19. Dans cette vidéo, il parle ouvertement  du gaspillage de l’argent public par les autorités malgaches. Il cite la somme de 730 millions d’ariary (environ 200 000 US dollars au moment des faits) qui auraient été dépensés pour peindre l’extérieur des hôpitaux publics, alors que ces derniers  manquaient cruellement d’équipements, de médicaments, d’infirmiers et de matériaux de protection pour le personnel.

M. Ramasomanana dénonce le fait que des chèques auraient été utilisés pour falsifications et usages de faux. Il a géré ce dossier lui-même lorsqu’il était membre de la direction du service d’attribution des marchés et a refusé de valider le contrat, supposément entaché de falsifications. M. Ramasomanana fait aussi référence à des mouvements suspects entrants et sortants du ministère de la santé publique. Il évoque la somme de 44 milliards d’ariary (environ 11.7 millions d’USD). Cette somme était initialement prévue pour rénover 13 hôpitaux et 13 centres de santé et ainsi les mettre aux normes. M. Ramasomanana dénonce le fait que certains de ces centres auraient été livrés sans eau courante ni électricité. De plus, il dénonce le prétendu népotisme régnant au sein du secteur de la santé. Dans sa vidéo de 37 minutes, le lanceur d’alerte révèle des informations concernant des appels d’offres présumément truqués, des emplois fictifs, des contrats de gré à gré non autorisés par la loi, des faux, l’utilisation de faux lors de l’attribution de marchés publics et le détournement de 44 milliards d’AGM.

Le 3 mai 2021, après avoir lancé l’alerte, M. Ramasomanana est appelé par le pôle anticorruption à comparaître devant le tribunal le 5 mai 2021, pour des faits en lien avec la publication de sa vidéo. Cependant, il ne peut pas se rendre au tribunal étant encore en quarantaine après avoir contracté la Covid-19. Le 12 mai 2021, il dépose une plainte contre le ministre de la Santé Publique auprès du Pôle anticorruption d’Antananarivo. La plainte est déposée pour « falsification, usage de faux, abus de pouvoir, corruption active et passive, abus de confiance, détournement de fonds publics et complicité de ces infractions ». Il joint à sa plainte tous les documents nécessaires pour prouver ces infractions. Jusqu’à ce jour, la plainte n’a donné lieu à l’ouverture d’aucune procédure.

Comme de nombreux lanceurs d’alerte, M. Ramasomanana fait face à des représailles pour son courage et il a été poursuivi par son ancien employeur pour diffamation et diffusion de fausses informations. Le 15 juin 2021, M. Ramasomanana honore sa convocation et se rend au tribunal, où il est informé d’une autre plainte déposée à son encontre par la Gendarmerie nationale, selon laquelle le directeur de l’unité contre la cybercriminalité aurait reçu des insultes sur son portable après que la publication des convocations de Ramasomanana sur Facebook.

Le 29 novembre 2021, la Cour criminelle d’Antananarivo rend sa décision concernant le cas de Ravo Ramasomanana. Ce dernier est acquitté du chef de « trouble à l’ordre public et incitation à la haine du gouvernement ». Néanmoins, il est condamné à une amende de 1 million d’ariary (environ 260 US dollars) pour « insulte et diffamation » telle que la loi sur la cybercriminalité le prévoit.

« Les lanceurs d’alerte sont les promoteurs de l’état de droit et les défenseurs de l’intérêt général et de la population » dit Fadel Barro de PPLAAF. « En tant que tels, ils doivent être protégés et non pas persécutés pour les faits qu’ils ont le courage de révéler ».

PPLAAF a apporté son soutien à Ravo Ramasomanana en conduisant un plaidoyer en sa faveur, comprenant un communiqué de presse sur sa situation, et en assurant la liaison avec d’autres acteurs à Madagascar. PPLAAF est une organisation non-gouvernementale créée en 2017 pour protéger les lanceurs d’alerte. Elle effectue des missions de plaidoyer et de contentieux stratégique en leur nom lorsque leurs révélations sont liées à l’intérêt général des citoyens africains.

Pour plus d’information:

Platform to Protect Whistleblowers in Africa:

Madagascar: PPLAAF applauds the courage of former civil servant”, 14 juin 2021.

Amnesty International:

“Madagascar: Whistleblower faces 5-year imprisonment: Ravo Ramasomanana”, 11 novembre 2021.

Madagascar: Authorities must drop trumped-up charges against whistleblower Ravo Ramasomanana” (déclaration publique), 25 novembre 2021

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