Ephrem Yalike-Ngonzo

Le journaliste Ephrem Yalike-Ngonzo dénonce courageusement le système de désinformation russe en République centrafricaine.

« J’ai frôlé la mort, mais je ne regrette rien. Lancer l’alerte, c’est une manière pour moi de contribuer au retour à l’Etat de droit dans mon pays », a déclaré Ephrem Yalike-Ngonzo. « J’étais en contact permanent avec PPLAAF. Je me suis senti un peu en sécurité parce que PPLAAF avait une volonté réelle de me sauver, vu la gravité de la situation ».

En novembre 2024, Ephrem Yalike-Ngonzo devient la première personne à offrir un aperçu sur la machine de désinformation russe en République centrafricaine (RCA). Entre 2019 et 2022, Ephrem Yalike-Ngonzo a travaillé pour un agent russe et publié des articles de presse vantant les mérites de l’armée centrafricaine ainsi que de ses nouveaux partenaires russes, en se fondant sur les éléments de propagande qui lui étaient fournis. Ainsi, il devait étouffer l’opposition, encenser la présence de la Russie et couvrir les exactions commises par le groupe de mercenaires Wagner.

Ses révélations ont permis à Forbidden Stories et à ses dix partenaires de mettre en lumière la vaste machinerie russe en place dans le pays, des campagnes de désinformation à l’orchestration de manifestations anti-occidentales, en passant par les méthodes brutales d’intimidation.

Initialement destiné à devenir prêtre, Ephrem Yalike-Ngonzo a fini par étudier le droit et les relations internationales à l’Université de Bangui en RCA, tout en travaillant pour divers journaux afin de financer ses études. C’est en janvier 2018 que Ephrem Yalike-Ngonzo réalise son premier reportage sur les Russes pour le journal local Le Citoyen. Ephrem explique qu’« En tant que Centrafricain, quand j’ai vu les chars et les armes, je me suis dit que c’était une bonne chose, qu’il y aurait bientôt la paix dans le pays […] la population était là pour les applaudir, brandissant des drapeaux russes et centrafricains. »

Plus d’un an plus tard, en novembre 2019, Ephrem Yalike-Ngonzo rencontre un jeune Russe répondant au nom de « Micha », accompagné de « Vladimir », son interprète du moment. Micha propose à Ephrem de publier des communications favorables à l’armée et à leurs nouveaux partenaires russes en échange de 30 000 francs CFA (environ 47 dollars américain) par article, une somme considérable pour un salaire centrafricain et ce futur père de famille.

Cependant, Ephrem s’est peu à peu rendu compte qu’il n’était qu’un pion d’une opération russe plus large, oeuvrant pour les forces Wagner en République centrafricaine soutenues par le Kremlin. Un événement particulier l’a poussé à remettre en question son travail avec les Russes : lorsque deux jeunes bergers Peuls ont été gravement blessés à Bouar, il était contraint de présenter les Russes comme les sauveurs pour la version officielle, alors qu’en réalité, les Russes les avaient accidentellement attaqué.

Il a déclaré à Associated Press : « J’ai réalisé que c’était contraire à ma conscience. Ils [les mercenaires de Wagner] étaient très proches du régime militaire. J’ai eu peur pour ma vie. »

Lorsque la véritable histoire fut révélée, les Russes l’ont soupçonné d’avoir divulgué l’information. Ephrem a alors été embarqué dans une voiture aux vitres teintées et emmené au milieu d’une forêt loin de Bangui. Isolé et à l’abri des regards, il a été interrogé. C’est à ce moment qu’il a décidé de lancer l’alerte.

Mis en contact avec des journalistes de Forbidden Stories en 2022, il partage des informations sur ses employés, entraînant la vaste enquête menée par Forbidden Stories et ses partenaires. Publiée en novembre 2024, l’enquête révèle la machine de désinformation de la RCA.

Après avoir reçu des menaces de mort, Ephrem a décidé de fuir la RCA avec sa femme et son fils. Il explique « rester en République centrafricaine et la dénoncer signifiait risquer [ma] vie ». Mais, au moment où sa famille embarquait dans l’avion, il a été appréhendé et interrogé par la police à l’aéroport de Bangui. Son passeport et ses documents personnels ont été saisis et il a été convoqué pour un interrogatoire le lendemain. Craignant pour sa sécurité, Ephrem a choisi de se cacher et de fuir la République centrafricaine.

Traqué par la police, il a été contraint de traverser la rivière Ubangi pour rejoindre la République démocratique du Congo (RDC).

PPLAAF a aidé Ephrem à se cacher en RDC en attendant de pouvoir gagner l’Europe.

Ephrem est toujours activement recherché en République centrafricaine, les membres de sa famille ayant été interrogés et les autorités de l’État l’ayant décrit comme un journaliste ayant « trahi son pays ».

Depuis 2022, PPLAAF travaille avec Forbidden Stories et soutient Ephrem pour lui permettre de témoigner en toute sécurité sur ces actes répréhensibles. Ephrem a témoigné publiquement, dans une transparence rare qui appuie la profondeur et la gravité de ses propos. Depuis leur publication, ces révélations ont fait l’objet d’un large écho, mettant en lumière la nature troublante de la désinformation en Afrique.

Henri Thulliez, directeur exécutif de PPLAAF, explique : « La fabrication de la désinformation dénoncée par Ephrem est un véritable fléau, tant elle plonge les opinions de pays entiers dans l’obscurité la plus totale. En cela, l’acte d’Ephrem est particulièrement salutaire ».

La Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) est une organisation non gouvernementale créée en 2017. PPLAAF vise à défendre les lanceurs d’alerte, ainsi qu’à mener du plaidoyer et engager des contentieux stratégiques en leur nom lorsque leurs révélations traitent de l’intérêt général des citoyens Africains.

Pour plus d’informations :

Forbidden Stories :

« « Je ne le fais pas seulement pour moi » : les révélations d’un ex-propagandiste sur les secrets de la désinformation russe en Centrafrique », Léa Peruchon, 21 novembre 2024.

Associated Press :

« A former staffer exposes how Russia’s disinformation machine worked in Central African Republic », Monika Pronczuk, 21 novembre 2024.

Le Monde :

« Les confessions d’un agent repenti de la « désinformation » et des « messages haineux » de Wagner en Centrafrique », Morgane Le Cam, 21 novembre 2024.

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