Amadou Traoré : la dénonciation du pillage du bois de rose et son trafic au Mali
Originaire de Thial, un village près de Tombouctou dans le nord du Mali, Amadou Traoré a croisé le chemin d’un homme d’affaires chinois à la fin de ses études universitaires. Cet homme surnommé “M.X” faisait face à des obstacles linguistiques entravant ses activités professionnelles. M.X était à la recherche de bois de rose, une espèce précieuse utilisée en ébénisterie, afin de le commercialiser par le biais de sa société. Amadou s’est vu proposer un poste en tant qu’interprète au sein de l’entreprise chinoise.
Entre 2014 et 2016, Amadou Traoré a gravi les échelons. Il a simultanément travaillé en tant qu’interprète pour les exportations de bois de rose vers la Chine et comme assistant linguistique pour la commercialisation de graines de sésame et de motos. Au cours de cette période, il a découvert que le bois de rose vendu et expédié provenait en réalité du Mali, et non de la Côte d’Ivoire, comme l’affirmait l’entreprise.
Cependant, ce n’est que plusieurs années plus tard qu’il a pleinement pris conscience de l’ampleur de sa découverte. En 2018, en raison d’un retard de livraison, Amadou Traoré, ayant gagné la confiance de son employeur, est envoyé dans la forêt. Là-bas, il est témoin d’une déforestation massive, due à la surexploitation des ressources naturelles du Mali.
À son retour à Bamako, il décide d’alerter les autorités, suspectant son employeur d’activités illégales. Malheureusement, ses révélations ne suscitent aucun intérêt. En dépit de l’envoi de nombreux courriels au Département de l’Environnement et d’une visite au Ministère de l’Environnement, qui lui a suggéré de soumettre une note explicative, aucune mesure concrète n’est prise. Parallèlement, il contacte plusieurs médias nationaux et internationaux, dont France 24, qui mène une enquête sur l’affaire.
Un cadre juridique contourné
L’arrêté ministériel du Mali du 10 juillet 2014 interdit explicitement l’exportation de toutes les formes de bois brut. Sur le plan international, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) classe le bois de rose comme une espèce vulnérable. Cependant, les entreprises forestières parviennent à contourner ce cadre juridique en exploitant l’ambiguïté de la désignation « sous sa forme brute » et en émettant des certificats d’exportation qui frôlent la légalité.
Ces actions, combinées aux révélations d’Amadou Traoré sur la déforestation, ont été mises en lumière en février 2020 par France 24. L’enquête a révélé les permis d’exploitation forestière accordés par le Département des Eaux et Forêts du Mali à la Générale Industrie du Bois, une ancienne entreprise d’État, lui permettant ainsi de vendre du bois de rose à des entreprises chinoises.
Si cet article a entraîné la suspension temporaire de toutes les activités d’exportation de bois de rose (levée en 2021 par le gouvernement malien), il a également mis en danger Amadou Traoré, qui a dû fuir son pays pour échapper aux représailles du réseau derrière le trafic de bois.
Maintenant en exil, Amadou Traoré consacre sa vie à la protection de l’environnement, et plus particulièrement à la lutte contre la déforestation. La Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique (PPLAAF) soutient Amadou dans ses efforts depuis 2020.