Guinée Conakry

Publié en 2024

Sources juridiques

Résumé exécutif

La Guinée a ratifié la Convention des Nations-Unies contre la corruption qui l’engage à introduire dans son droit national une législation protectrice pour les lanceurs d’alerte. Ce pays dispose d’un cadre juridique pouvant s’appliquer aux lanceurs d’alerte, mais force est de constater que les efforts déployés pour le rendre effectif sont largement insuffisants. 

Malgré l’existence de dispositions législatives de lutte contre la corruption, le pays demeure en 2022 à la 147ème place sur 180 dans le classement de Transparency International relatif à l’Indice de perception de la corruption. 

Malheureusement, les contextes de transition démocratique et sécuritaire depuis le Coup d’Etat de septembre 2021 ont impacté négativement certaines libertés publiques, telles que la liberté de la presse, et ne sont pas, en ce premier semestre 2023, favorables à l’émergence d’une culture du lancement d’alerte en Guinée. 

Lois et mesures relatives aux lanceurs d’alerte

  • Décret portant promulgation de la loi L/2017/041/AN du 04 juillet 2017 portant prévention, détection et répression de la corruption et infractions assimilées 

Au niveau international, le 29 mai 2013, la Guinée Conakry a ratifié la Convention des Nations Unies contre la corruption dont les articles 32 et 33 consacrent la nécessité d’une protection effective contre les représailles, les intimidations et menaces aux témoins, victimes ou experts notamment par la mise en place d’un cadre juridique interne, complet et effectif pour asfsurer cette protection.

Le décret portant promulgation de la loi L/2017/041/AN du 04 juillet 2017 portant prévention, détection et répression de la corruption et des infractions assimilées prévoit une protection spéciale de l’Etat pour les lanceurs d’alerte, repentis, dénonciateurs, témoins, experts et victimes de corruption ou d’infractions assimilées contre les actes éventuels de représailles ou d’intimidation. Pour tous les cas de dénonciation de fonds ou de saisies de biens, les dénonciateurs bénéficient d’une prime d’encouragement (article 100). 

L’article 101 du décret précise les modalités d’application de cette protection, en ce sens elle s’applique aux « actionnaires, directeurs, secrétaires de société, employés, syndicats enregistrés qui représentent les employés, fournisseurs et employés de fournisseurs ». L’article ajoute que la protection « s’étend à toute personne qui divulgue des informations objectives et désintéressées et qui pensait raisonnablement, au moment de la divulgation, que ces informations indiquent ou tendent à indiquer qu’une entité publique ou privée, une société mixte ou privée, un directeur ou le responsable désigné, agissant en cette qualité, a commis une infraction aux lois et règlements qui pourrait exposer ladite entité ou société à des risques ou à des passifs réels ou éventuels, ou qui porterait préjudice aux intérêts de cette entité ou société ». 

Ainsi, il apparaît que le type de lancement d’alerte consacré par ce décret ne concerne que le lancement d’alerte en entreprise, il s’agit donc d’une protection limitée. 

Par ailleurs, l’article 102 protège l’anonymat des lanceurs d’alerte lorsque les dénonciations sont susceptibles de mettre en danger leur vie ou leur intégrité physique ainsi que celles de leurs proches. Enfin, l’article 104 dispose : « L’anonymat de la dénonciation ou du témoignage n’est pas possible si, au regard des circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise, ou de la personnalité du dénonciateur ou du témoin, la connaissance de l’identité de la personne s’avère indispensable à l’exercice des droits de la défense ». 

Une protection est donc prévue pour certains lanceurs d’alerte, mais la question se pose de savoir si elle est effective. 

  • Protection dans le cadre du droit pénal 

Au niveau interne, dans l’exposé des motifs du nouveau Code pénal guinéen, il est mentionné que le pays « réaffirme sa volonté d’édifier un Etat de droit par la promotion de la bonne gouvernance et aussi de lutter contre la corruption et les crimes économiques ». Malgré cela, ce texte ne prévoit aucune mesure de protection des lanceurs d’alerte. En effet, ce code aurait pu inclure des dispositions permettant de sanctionner pénalement celles et ceux qui se rendent coupables d’actes de représailles envers les lanceurs d’alerte. L’article 367 punit d’ailleurs l’atteinte au secret, en ce sens, il dispose : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire, soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un emprisonnement de 6 mois à 1 an et d’une amende de 500.000 à 2.000.000 de francs guinéens, ou de l’une de ces deux peines seulement. »

L’article 705 du même code dispose cependant qu’il est nécessaire d’informer les autorités judiciaires et administratives de « tout crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets ou, dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui peuvent être empêchés (…) ». Le non-respect de cette disposition expose à des sanctions. Toutefois, cette disposition ne s’applique pas aux personnes astreintes au secret dans les conditions prévues à l’article 367. 

Enfin, l’article 722 dispose : « Le fait, pour toute personne ayant déclaré publiquement connaître les auteurs d’un crime ou d’un délit, de refuser de répondre aux questions qui lui sont posées à cet égard par un juge est puni d’un emprisonnement de 6 mois à 1 an et d’une amende de 500.000 à 1.000.000 de francs guinéens. » Ce même code précise que le témoignage mensonger est puni d’un emprisonnement de 1 à 3 ans et d’une amende de 500 000 à 1 000 000 de francs guinéens (article 723). 

  • Protection dans le cadre du droit du travail 

Le Code du travail prévoit en son article 8 que « nul ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir subi, dénoncé, rapporté ou témoigné » de faits constitutifs d’harcèlement au travail. Il interdit en outre « la violence, le harcèlement sexuel et le harcèlement moral » (y compris la création d’un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant). Mais il n’y a pas de référence spécifique au lancement d’alerte.  

L’article 13 dispose que « (…) Les opinions que les travailleurs, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement. »

Il ne peut être mis fin aux contrats à durée déterminée avant leur terme qu’en cas de force majeure ou de « faute grave » (article 171.4), mais en l’absence de détails supplémentaires dans le Code du travail, il est difficile de dire si le lancement d’alerte pourrait tomber dans cette dernière catégorie. Les contrats à durée indéterminée peuvent être rompus pour d’ambiguës « raisons personnelles », y compris pour insuffisance professionnelle ou comportement fautif (art. 172.7). Il incombe à l’employeur de prouver le comportement fautif en cas de litige.

La divulgation « d’informations confidentielles concernant l’entreprise à des tiers » expose le salarié à des sanctions disciplinaires en vertu de l’article 212.1 du Code du travail même lorsque cela est commis en dehors du temps et des lieux de travail. 

L’article 513.12 précise que « les inspecteurs et contrôleurs du travail sont astreints au secret professionnel. Ils prêtent le serment de ne pas révéler, même après avoir quitté le service, les secrets de fabrication ou de commerce et les procédés d’exploitation dont ils ont pris connaissance dans l’exercice de leur fonction. A ce titre, ils sont également astreints à la confidentialité concernant la source des plaintes leur signalant un défaut dans l’installation ou une infraction aux dispositions légales ainsi que concernant le lien éventuel entre une plainte et la visite d’inspection. » Cette disposition pourrait assurer l’anonymat du lanceur d’alerte en cas de dénonciation d’activités illégales.

  • Mécanisme de saisine de l’Agence Nationale de Lutte contre la Corruption (ANLC)

L’ANLC, créée par le décret D/2017/219/PRG/SGG portant promulgation de la loi L/2017/041/AN du 04 juillet 2017 portant prévention, détection et répression de la corruption et des infractions assimilées est une institution chargée de la prévention, de la détection et la répression de la corruption. A compétence nationale, elle est placée sous l’autorité directe du Président de la République. Avec l’avènement du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), qui a pris le pouvoir en Guinée après le coup d’Etat de septembre 2021 et dont le président est le colonel Mamadi Doumbouya, tous les citoyens, y compris ceux de la diaspora, travailleur ou non, du secteur public ou privé, de la société civile, des médias et tout étranger a le droit de saisir l’ANLC pour toute dénonciation des faits de corruption et infractions assimilées. 

N’ayant pas de site officiel, c’est sur sa page Facebook que l’Agence Nationale de Lutte contre la Corruption (ANLC) a invité les citoyens à la contacter pour signaler les activités illégales dont ils sont témoins. C’est donc sur Facebook, un outil disponible et accessible à tous que l’agence a la volonté de toucher le plus de personnes possible et d’encourager les populations à lancer l’alerte. Cependant, il serait bienvenu d’accompagner cette agence dans la création d’un site internet ou d’une plateforme plus sécurisée car l’utilisation de Facebook pour dénoncer des actes illicites pourraient exposer les citoyens à certains risques.

D’après l’Office des Nations Unis contre la drogue et le crime (ONUDC), l’ANLC est une des institutions de lutte contre la corruption avec le moins de moyens financiers en Afrique de l’Ouest. De plus, elle a été établie par décret ce qui rendrait sa base juridique relativement faible. Bernard Goumou, Premier ministre et chef du gouvernement depuis août 2022, aurait appelé le Secrétaire exécutif de l’ANLC, Saikou Amadou Diallo, « à favoriser la collecte de données, à améliorer l’efficacité du système de communication publique et à renforcer le dispositif de protection des lanceurs d’alerte ». 

Centres de connaissances, de soutien et d’action

La Fondation pour la Démocratie et la Gouvernance (FDG) créée en 2015 et enregistrée en droit belge, ambitionne d’accompagner toutes les procédures judiciaires visant à réprimer pénalement les comportements contraires à l’intérêt général. En ce sens, elle se propose d’héberger sur son site internet une page dédiée aux lanceurs d’alertes et citoyens détenteurs d’informations susceptibles d’établir les opérations de malversations, de corruption et de trafic d’influence.

Contact : Gregory Mathieu, Président

Tél :  +45 12345678

infos@fondationdg.org

L’Association Guinéenne pour la Transparence (AGT) est une organisation à but non lucratif spécialisée dans la lutte contre la corruption et la promotion de la bonne gouvernance en Guinée. Cette organisation fait du plaidoyer et organise régulièrement des activités de renforcement de capacités des acteurs locaux. 

Contact : Oumar Kana Diallo, Président 

Tél : +224 622 40 41 42

agtguinee224@gmail.com

Agir pour la Paix et le Développement en Guinée (APDG) est une organisation apolitique et à but non lucratif. En plus de ses activités de sensibilisation et de renforcement de sécurité, elle lutte contre la corruption et promeut la démocratie et la bonne gouvernance.

Contact : Aminata Tounkara, Présidente 

Tél : +224 622 90 41 82/ 820 98 44 44

ongapdguinee@gmail.com 

La Cellule du Balai Citoyen de la Guinée est une organisation non gouvernementale de promotion de la bonne gouvernance et de dialogue social. Le Balai Citoyen de la Guinée serait « une organisation pour nettoyer la mal gouvernance démocratique, économique et financière et assainir pacifiquement ». 

Le Club Humanitaire sans Frontières (CHF) est une ONG créée en 2014. Apolitique, non confessionnelle et à but non lucratif, elle a pour vocation de contribuer à la promotion de la bonne gouvernance pour favoriser le développement socio-économique et durable des Etats. Elle a travaillé avec OCWAR-M dans le cadre de l’activité de sensibilisation des organisations de la société civile guinéenne à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le CHF a joué un rôle de coordination et d’animation de cette formation, et a permis d’identifier efficacement les participants pertinents pour les deux sessions, qui se sont tenues en janvier et mars 2022.

Contact : Chérif Diallo, Président  

Tel : +224 621 946 705 / 623 124 176

info@club-humanitairesansfrontieres.org / chfguinee224@gmail.com 

Rapport complet 2024:

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