Sir David Adjaye, architecte de renom accusé d’avoir agressé sexuellement ses employées

Les allégations portées par d’anciennes employées ont mis en lumière une facette plus sombre de l’architecte de renommée mondiale, Sir David Adjaye. Les trois femmes, soutenues par PPLAAF, ont témoigné dans un article publié par le Financial Times le 4 juillet 2023, accusant David Adjaye d’agression ainsi que de harcèlement sexuel et condamnant l’environnement de travail toxique qu’il aurait cultivée dans ses bureaux. Les intéressées ont déclaré au Financial Times que les actes commis par Adjaye «ont perturbé leur carrière, les ont laissées dans une situation financière précaire et leur ont causé une grave détresse mentale ».

Zanele Mbuyisa, conseillère juridique de PPLAAF, a souligné à RFI que ces femmes ont partagé des expériences similaires avec Sir David Adjaye : « Certaines ont dénoncé des formes d’agressions sexuelles, d’autres ont décrit un environnement de travail toxique dans l’entreprise de David Adjaye. Le point commun de tous ces témoignages, c’est que tout le monde connaissait sa réputation envers les femmes, mais elles avaient peur d’en parler, car [David] Adjaye est puissant et influent dans le monde de l’art. »

Sir David Adjaye, ayant reçu le titre de chevalier en 2017 et membre de l’Ordre du mérite au Royaume-Uni, est l’architecte de plusieurs bâtiments emblématiques, dont le National Museum of African American History and Culture à Washington, le UK Holocaust Memorial, ainsi que l’Edo Museum of West African Art à Benin City.

Maya et Gene I. Miles ont rejoint le bureau d’Adjaye à Accra, au Ghana, en 2018. Elles croyaient en sa mission visant à mettre en valeur les meilleurs talents de la communauté africaine dans l’industrie de l’architecture et à faire du nouveau bureau Ghanéen, le premier cabinet d’architecture d’Afrique. Cependant, elles se sont rapidement rendu compte que travailler pour Adjaye avait un coût.

Maya et Gene I. Miles, deux mères célibataires, ont déménagé au Ghana avec leurs enfants. Selon le Financial Times, les associés de Sir David Adjaye ne payaient pas toujours leurs salaires à temps et tardaient à obtenir leurs visas de travail. Lors d’une visite de M. Adjaye à Accra, Maya et Gene I. Miles ont espéré pouvoir aborder leur instabilité financière et le traitement de leurs visas de travail avec lui.  

Après un dîner avec Adjaye en septembre 2018, Gene I. Miles et Maya l’ont accompagné dans son appartement de fonction pour boire un verre. À leur arrivée, Adjaye aurait laissé les femmes dans le salon, réapparaissant vêtu simplement d’une robe de chambre. Par la suite, elles affirment qu’il les aurait dirigées vers sa chambre à coucher et, en caressant et en attrapant Maya, aurait tenté d’avoir des relations sexuelles avec elles.

« J’ai dit « Non, ce n’est pas bien »… J’ai dit qu’il était notre employeur. Mais il a persisté. Il a exercé davantage de pression et mon sentiment était que si tu ne le fais pas, tu es stupide. » – Gene I. Miles

Gene I. Miles a refusé mais n’a pas voulu quitter l’appartement sans Maya, que M. Adjaye aurait entraînée dans sa chambre et sur son lit. Selon Maya, Adjaye lui aurait dit : « Tu dois le faire ». Quelques minutes plus tard, les femmes ont quitté la chambre et Gene I. Miles a accusé M. Adjaye d’avoir abusé de sa position. Le lendemain, M. Adjaye a rencontré Maya et lui aurait donné de l’argent, sans s’excuser ni reconnaître ce qui s’était passé la nuit précédente.  

Maya aurait été victime d’une deuxième agression de la part de M.Adjaye. En 2019, alors qu’ils rentraient d’un voyage d’affaires et traversaient le terminal de l’aéroport international OR Tambo de Johannesburg (Afrique du Sud), M.Adjaye a exigé de Maya qu’elle aille « aux toilettes », où il l’aurait agressée. Lorsque Maya a tenté de signaler cet incident en interne et de confronter Adjaye, elle aurait été réduite au silence. Elle aurait également tenté de signaler l’agression à la police ghanéenne, mais celle-ci n’était pas compétente. En septembre 2021, elle a déposé une plainte contre Adjaye en Afrique du Sud. Elle a ensuite été licenciée sans préavis.

« Je me sentais si mal, je me sentais si inutile, comme une saleté, comme rien. » – Maya 

Selon l’article du Financial Times, l’avocat de Sir David Adjaye a déclaré que Gene I. Miles et Maya ont été licenciées « en raison de préoccupations concernant leur conduite et leurs capacités, qui ont été soulevées par d’autres employés ».  

En janvier 2019, Sir David Adjaye a rencontré Dunia lors d’un événement industriel au Royaume-Uni. Ils se sont revus quelques semaines plus tard pour « écouter ses idées concernant des projets commerciaux », une réunion au cours de laquelle il l’aurait agressée sexuellement. Dunia a déclaré au Financial Times que pendant sa période informelle en tant que spécialiste de la communication et du marketing dans le bureau d’Adjaye Associates à Accra, elle aurait subi une série de rencontres sexuelles contrôlantes et émotionnellement abusives avec lui, déclarant « qu’elle s’est sentie poussée à travailler pour lui pendant une période sans rémunération et à se conformer à ses exigences sexuelles en raison de son influence dans le monde des arts ». En février 2022, Dunia a envoyé une lettre juridique à Sir David Adjaye, l’accusant d’inconduite sexuelle. La lettre a été rejetée par Sir Adjaye et ses avocats.

« Il m’a dit d’être une gentille fille et de me taire. » – Dunia

Les femmes qui ont dévoilé leurs expériences traumatisantes aux côtés de Sir Adjaye luttent encore pour reconstruire leur vie. Maya souffre de dépression et de pensées suicidaires à la suite des abus qu’elle a subis. Gene I. Miles « a mis des années à se rétablir physiquement et psychologiquement et se remet encore financièrement de ce qui s’est passé au Ghana sous la direction d’Adjaye« . Quant à Dunia, sa carrière a été profondément ébranlée et elle souffre « d’anxiété sociale et de pensées suicidaires« . Néanmoins, elles sont sûres qu’il existe d’autres femmes comme elles. En racontant leur histoire, elles espèrent mettre un terme à ce type d’abus. 

L’enquête du Financial Times a suscité la controverse au sein de la communauté internationale des architectes et au-delà. Depuis les révélations, plusieurs journaux ont relayé les allégations d’abus sexuels commis par Sir Adjaye. L’une des lanceuses d’alerte s’est exprimée publiquement et d’autres anciennes employées d’Adjaye, telles que Ngozi Olojede et Ewa Lenart, se sont exprimées sur les réseaux sociaux pour faire part de leur propre expérience avec Sir Adjaye. 

L’enquête du Financial Times a également eu un impact considérable sur les travaux de l’architecte. Selon The Architect’s Newspaper, Sir Adjaye s’est retiré de plusieurs projets qu’il dirigeait, tels que le London Holocaust Memorial & Learning Centre, ainsi qu’un projet dans la vieille ville de Chicago. Les promoteurs ont également réévalué leurs contrats avec Adjaye Associates à Cleveland et dans le Vermont. L’Africa Institute de Sharjah, aux Émirats Arabes Unis, a annulé les designs de Sir Adjaye et une de ses expositions des sculptures a été suspendue pour une durée indéterminée au Cordova Sculpture Park and Museum, dans le Massachusetts. Ces révélations l’ont également conduit à démissionner du groupe de défenseurs du design mis en place par le maire de Londres, Sadiq Khan, et du conseil d’administration de la Serpentine Gallery.

Pour plus d’informations : 

Financial Times : 

The Architect’s Newspaper: 

Deezen : 

The New York Times : 

The Guardian:

RFI 

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