COMMUNIQUÉ DE PRESSE

République Démocratique du Congo : Risque de corruption sur un projet routier majeur

Les contrats de sous-traitance du projet routier Kinshasa-Matadi auraient été gonflés de plusieurs millions, en lien avec un haut responsable

(Dakar, 18 juillet 2025) – Une nouvelle enquête menée par la Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique (PPLAAF) révèle aujourd’hui que la famille du ministre congolais de l’Aménagement du territoire de la République Démocratique du Congo (RDC), Guy Loando, détenait des parts dans une entreprise ayant obtenu des sous-contrats de construction dans le cadre d’un projet d’autoroute reliant Kinshasa à la côte atlantique. Le montant des contrats s’élève à 70 millions de dollars américains. L’enquête a été réalisée par PPLAAF et publiée en partenariat avec Actualité.CD, De Standaard, Le Soir et OCCRP. PPLAAF a également mis en lumière les liens étroits entre Loando – alors sénateur – et le propriétaire de l’entreprise principale en charge du projet routier.

L’Inspection générale des finances (IGF), a lancé une enquête sur le projet routier et relevé des signes préoccupants de contrats gonflés et de détournement généralisé de fonds publics, recommandant en 2021 des poursuites judiciaires pour « détournement de fonds publics ».

« Le projet d’autoroute est entaché de signaux d’alerte en matière de corruption, et les autorités ont trouvé des preuves en ce sens », a déclaré Dirk Shaka de la coalition Le Congo n’est pas à vendre (CNPAV). « Mais l’incapacité du gouvernement à exiger que les responsables répondent de leurs actes et à protéger les intérêts des citoyens congolais est honteuse ».

Autoroute vers la corruption?

En RDC, le gouvernement a recours à différents mécanismes pour financer le développement des infrastructures. En particulier, il utilise un type de partenariat public-privé appelé contrat de construction-exploitation-transfert (BOT). Dans ces contrats, des entreprises privées financent les travaux d’infrastructure et récupèrent les fonds en percevant un pourcentage des frais de péages et/ou de paiements publics.

Parmi les contrats BOT se trouve un contrat d’une valeur de 514 millions de dollars qui concerne l’autoroute Kinshasa-Matadi. Depuis 2008, SOPECO est l’entreprise privée partenaire du gouvernement congolais sur ce projet. L’actionnaire unique de SOPECO est Cong « Simon » Maohuai, un homme d’affaires chinois réputé pour ses liens étroits avec la famille de l’ex-président Joseph Kabila.

Dans le cadre de son accord avec le gouvernement, SOPECO et un consortium chinois ne finance qu’une minorité du projet d’autoroute et récupère son investissement en percevant une part des péages ainsi que des remboursements forfaitaires à la fin du projet. Notamment, le consortium dispose de la liberté de sélectionner ses sous-traitants, apparemment avec un minimum de supervision, ce qui peut représenter un risque de corruption.

Accords douteux et relations personnelles

L’une des sociétés sous-traitante est « SIC », une société privée discrète ayant obtenu des contrats sur le projet d’autoroute pour un montant total de 70 millions de dollars. SIC a été créée en mai 2019, et le mois suivant, elle remporte un contrat de 25 millions de dollars. À l’époque, une entreprise familiale contrôlée par le sénateur Guy Loando et son épouse détenait 35 % des parts de SIC.

Mais les liens entre SIC et SOPECO vont bien au-delà du projet routier. Guy Loando entretient aussi des liens personnels avec l’actionnaire unique de SOPECO, Cong « Simon » Maohai. Sur le site de la fondation caritative de Loando, ce dernier décrit Cong comme son « mentor ».

Loando était également actionnaire de Congo Construction Company (CCC), une entreprise ayant reçu 55 millions de dollars de financements provenant de sources étrangères – cet argent, selon les enquêtes de Congo Hold-Up, aurait été destiné à Joseph Kabila et à son entourage proche.

Responsabilité en suspens

En 2021, quelques jours avant que Loando ne soit nommé ministre, le gouvernement congolais a publié un rapport d’enquête sur le projet de route Kinshasa-Matadi. L’IGF, chargée de contrôler les finances publiques, a recommandé des poursuites judiciaires contre Simon Cong et un certain nombre de fonctionnaires pour détournement de fonds publics. Le rapport a également révélé que les budgets des projets autoroutiers, y compris les travaux sous-traités par SIC, étaient exagérément gonflés de plusieurs dizaines de millions de dollars.

Ce projet routier apparaît comme un nouvel exemple d’utilisation des ressources publiques au détriment de l’intérêt général : l’investissement dans des infrastructures critiques est miné par un manque de supervision, du favoritisme présumé, et, selon l’IGF, le détournement de fonds publics.

Dans l’un des pays les plus peuplés du continent – déjà confronté à des conflits armés, une crise humanitaire et une instabilité politique – l’infrastructure devient bien plus une question de survie que de développement. Des infrastructures fiables permettent aux citoyens de construire leurs communautés et de façonner leur avenir. À l’inverse, des routes de mauvaise qualité limitent l’accès à des services essentiels tels que la santé, l’éducation ou l’emploi, tout en augmentant le coût des biens et en isolant les zones rurales et sous-développées. La corruption ne représente donc pas seulement une perte de fonds publics, mais aussi une perte d’opportunités – pour les Congolais et pour leur pays.

En réponse à des demandes de commentaires, Guy Loando a déclaré qu’il « n’a tiré aucun avantage personnel » de la société, affirmant qu’il n’en était pas actionnaire. Il a refusé de répondre à toute autre question concernant l’entreprise ou les documents montrant que sa famille en avait été parmi les actionnaires fondateurs.

« L’absence de contrôle étatique efficace crée un terrain fertile pour la corruption », a déclaré Jimmy Kandé, directeur régional de la PPLAAF pour l’Afrique de l’Ouest. « Combattre l’impunité est essentiel pour défendre les services publics dont la population congolaise est privée ».

À la date de publication, Simon Cong et Guy Loando n’ont toujours pas été tenus responsables.

A propos de PPLAAF

La Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) est une organisation non gouvernementale créée en 2017. PPLAAF vise à défendre les lanceurs d’alerte, ainsi qu’à mener du plaidoyer et engager des contentieux stratégiques en leur nom lorsque leurs révélations traitent de l’intérêt général des citoyens Africains.

Pour plus d’informations et pour organiser des entretiens, veuillez contacter

Email : communications@pplaaf.org, Phone : +33 6 58 01 61 96

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