Fadiala Coulibaly

L’auditeur au service des paysans

« Le président du Conseil d’Administration de la Confédération des Sociétés des Coopératives des Producteurs de Coton refusait d’octroyer aux paysans la subvention qui leur était due. J’ai alors commencé à alerter au sein de l’organisation. Ils m’ont proposé 30 millions de francs CFA pour acheter mon silence. J’ai refusé ! Ils m’ont proposé de quitter mon poste pour doubler mon salaire. J’ai refusé ! Ils ont arrêté mon contrat pour me sanctionner. J’ai saisi le procureur en charge du pôle financier pour mettre à nu le vaste réseau mafieux qui détournait les subventions allouées aux cotonniers maliens. Le PCA et ses complices ont été arrêtés et mis en prison. Même si j’ai perdu mon travail, cela valait la peine d’arrêter cette corruption qui gangrène et déstabilise aujourd’hui la société malienne ».

Né à Balandougou Cercle de Kita dans la région de Kayes, Fadiala Coulibaly est un Auditeur Comptable qui a décidé de s’engager dans la lutte contre la corruption dans son pays. « Le Mali vit aujourd’hui une grave crise politique qui menace sa stabilité déjà fragilisée par la rébellion au nord du pays et sa cohésion sociale. Tout cela est, en partie, le résultat de la corruption et de l’impunité », défend-il, estimant que les populations sont révoltées par le nombre de cas de corruption et de détournement des fonds publics restés sans suite. Du moins, précise-t-il, « ceux qui sont avec le pouvoir bénéficient d’une impunité totale ».

J’ai découvert qu’il y avait un sérieux réseau mafieux qui détournait près de 90 % des fonds destinés aux producteurs du monde rural. »

Fadiala travaillait dans l’administration du Mali en tant que Responsable Administratif et Financier à la Confédération des Sociétés Coopératives des Producteurs de Coton (CSCPC) qui regroupe les 7177 sociétés coopératives en zone cotonnière de tout le pays. Cette structure paysanne est rattachée à l’Assemblée Permanente de Chambre d’Agriculture au Mali (APCAM). « Mon travail de Comptable-Auditeur me donnait accès à plusieurs informations. Je m’étais vite rendu compte que beaucoup de choses ne correspondaient pas aux normes. J’en parlais à mon patron mais il refusait de donner suite à mes signalements. J’ai découvert qu’il y avait un sérieux réseau mafieux qui détournait près de 90 % des fonds destinés aux producteurs du monde rural. »

Pourtant Fadiala Coulibaly a commencé à lancer l’alerte au sein de sa boite. Il a même parlé au président du Conseil d’Administration pour faire des propositions de meilleure utilisation des ressources. « Entre 2016 et 2017, vu la consistance des fonds que la structure recevait, j’ai proposé au Conseil d’administration qu’il était possible d’octroyer 1 million à chaque Union Communale, c’est à dire à chaque Coopérative Communale qui sont au nombre de 288, et qu’il était possible de virer 5 millions à chaque Coopérative Secteur qui sont au nombre de 41 et 50 millions à chaque Coopérative Régionale qui sont au nombre de 4. »

Mais sa proposition est mal vue par sa hiérarchie qui cherche à le dissuader. La seule réaction de son PCA : « vous êtes très jeune et il serait mieux de fermer les yeux sur certaines choses pour vivre longtemps ». Ces menaces à peine voilées n’ont pas entamé la détermination de l’Auditeur, décidé à poursuivre sa lutte pour l’intérêt des paysans producteurs de coton déjà fragilisés par les décisions de l’Organisation Mondiale du Commerce qui favoriseraient les concurrents des producteurs des pays du nord.

« J’ai essayé de sensibiliser le PCA en vain. Je me suis rapproché de lui pour lui dire que l’argent est destiné aux paysans et que la structure est là pour les paysans. On devait travailler dans ce sens. Il m’a ouvertement dit qu’il allait me combattre. » Et les ennuis pour Fadiala Coulibaly ont commencé à s’intensifier.

Ils ont d’abord cherché à acheter son silence en lui proposant 30 millions de francs CFA. « J’ai refusé. Ils m’ont proposé de prendre un autre poste avec le double de mon salaire. J’ai refusé parce que je travaille pour atteindre des objectifs et il me restait des choses à faire. Ils ont engagé mon chauffeur qui a commencé à enregistrer toutes mes conversations lorsque je suis en mission. Quand je me suis rendu compte, j’ai écrit un courrier au PCA pour lui dire que ces pratiques sont contradictoires avec les valeurs de la société et que ça ne pouvait pas continuer. Il n’y a pas eu de réaction, j’ai lancé l’alerte en saisissant le procureur du pôle économique et financier pour lui fournir toutes les informations dont il avait besoin pour ouvrir mais aussi et surtout de me mettre à sa disposition pour former les enquêteurs de son service ce qui a abouti à l’arrestation du PCA et ses acolytes. »

Mais avant d’être arrêté par la Justice, le PCA a entamé une procédure de licenciement contre Fadiala Coulibaly. Pour atteindre le nombre de voix requises au Conseil d’Administration pour le licenciement du lanceur d’alerte, « il fallait corrompre les 17 membres du conseil d’Administration », accuse Fadiala les documents à l’appui. « Ils ont retiré 200 millions dans les comptes de la société pour pouvoir « graisser » les membres du conseil. J’ai les traces de ces retraits. Le président du conseil a signifié aux membres du CA que tant que Coulibaly est là nous ne pouvons pas jouir de l’argent comme on veut. C’est cette injustice qui a abouti à la fin de mon contrat. Le Coordinateur m’a clairement dit que mon licenciement est motivé par le fait que je n’ai jamais renoncé à assainir les finances de la structure, chose que certains n’arrivent pas à digérer » enregistrement transcrit par mon huissier.

Le tribunal du travail a donné raison à Fadiala en condamnant la Confédération des Sociétés Coopératives des Producteurs de Coton à payer 50 millions de dommages-intérêts et près de 5 millions des droits. Malgré l’appel de la Confédération, la cour d’appel a reconnu que le licenciement était abusif mais a abaissé les dommage-intérêts à 5 millions, sans motiver cette décision.

Fadiala Coulibaly est devenu une des icônes de la lutte contre la corruption au Mali. Il organise des sessions de sensibilisation sur les dangers de la corruption, engage sa corporation à devenir des lanceurs d’alerte et propose aux décideurs des mécanismes pour endiguer le fléau dans son pays.

« Je veux créer une plateforme des lanceurs d’alerte pour encourager les jeunes à dénoncer les malversations et certaines pratiques qui plombent notre pays. Mais pour cela, il faut leur assurer une protection et c’est à ce niveau que PPLAAF peut être une grande opportunité pour le Mali. L’expérience et les réseaux de PPLAAF peuvent aider les citoyens à devenir des lanceurs d’alerte. Quand vous faites une alerte qui a fait tomber des poids lourds, ça vous isole. Plus aucune entreprise ne veut m’embaucher mais j’ai fait le choix de lutter contre la corruption et j’irai jusqu’au bout. Et avec PPLAAF, je ne suis plus seul dans le combat. »

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