République Islamique de Mauritanie

Publié en 2022

Relevant legislation:

Résumé

Le système juridique de la Mauritanie est un mélange de droit civil et de charia. Les crimes contre l’islam et la religion sont punis de manière particulièrement sévère.

La Mauritanie n’a pas de lois spécifiques sur les lanceurs d’alerte ou de dispositions légales significatives pour les protéger. Bien que le lancement d’alerte ne soit pas inclus comme un motif « légitime » de licenciement par un employeur selon le Code du travail, il n’est pas non plus inclus comme motif de licenciement injuste. Le Code du travail ne prévoit aucun moyen pour divulguer des informations de manière protégée ni recours contre des représailles qui seraient subies pour avoir lancé l’alerte dans le cadre de son travail ou ailleurs.

Alors que plusieurs lois garantissent certaines libertés en matière d’expression et des médias, ces libertés sont dans tous les cas immédiatement suivies d’une clause stipulant qu’elles sont limitées « par la loi ». Par conséquent, les médias travaillent dans un environnement légal ambigu dans lequel elles font fréquemment face à du harcèlement et des applications arbitraires de la loi. Des dispositions légales contradictoires, comme dans le Code pénal et dans la Loi sur la liberté de la presse, aggravent cette ambiguïté.

On estime que de nombreux journalistes pratiquent l’autocensure, en particulier en ce qui concerne les sujets de l’armée, la corruption, l’islam et l’esclavage. Un cas très médiatisé dans lequel un blogueur a été condamné à mort pour avoir fait des déclarations négatives sur l’islam n’est toujours pas résolu.

Lois et mesures relatives aux lanceurs d’alerte

La Constitution « garantit à tous les citoyens les libertés publiques et individuelles », notamment la liberté d’expression, la liberté de réunion et la liberté d’opinion et de pensée. Aucun autre détail de ces libertés n’est donné, si ce n’est que la liberté « ne peut être limitée que par la loi »(1).

Le Code du travail ne fait pas référence à des protections de lanceurs d’alerte. Toutefois, elle limite les motifs légitimes de licenciement à la force majeure, le consentement mutuel de l’employeur et de l’employé, la faute lourde de l’une des parties « laissée à l’appréciation de la juridiction compétente » ou le décès du salarié.(2) Dans le cas d’un licenciement contesté, il incombe à l’employeur de prouver un motif légitime(3), bien qu’aucune sanction pour licenciement abusif ne soit prévue. Le licenciement pour lancement d’alerte n’est pas spécifiquement interdit, contrairement au licenciement fondé sur la race, la couleur, le sexe, l’âge ou les opinions politiques(4). Une médiation entre les parties est requise avant qu’une affaire puisse être portée devant le Tribunal du travail.

Les lanceurs d’alerte potentiels ne sont protégés par aucune autre disposition légale en Mauritanie.

Faiblesses et réformes requises

Aucune protection spécifique en matière de lancement d’alerte n’existe en Mauritanie et rien n’indique qu’une telle législation soit envisagée.

Bien qu’il n’y ait pas de mouvement apparent tendant à une loi nationale sur le lancement d’alerte, le gouvernement a appelé à la protection supranationale des lanceurs d’alerte. La Déclaration de Nouakchott en 2015 (nommée d’après la capitale de la Mauritanie et élaborée lors d’une réunion tenue à la demande du président) appelle les pays membres de l’Union africaine à « étendre une protection suffisante aux dénonciateurs dans les secteurs public et privé, qui jouent un rôle clé dans la prévention et la détection de la corruption, et qui en ce faisant défendent l’intérêt public »(5).

Lois de confidentialité

La Mauritanie a des lois strictes sur le secret et des punitions sévères pour ceux qui les transgressent. Permettre que des informations concernant la défense nationale soient rendues publiques est passible de 20 ans de travail forcé(6). Lorsque l’intention de la divulgation n’est pas la trahison, cette peine est réduite à un maximum de 10 ans(7). Publier des « informations relatives aux mesures prises pour découvrir et arrêter l’auteur de la trahison est passible de 20 ans de travaux forcés »(8).

Les employés qui communiquent les secrets commerciaux de leur employeur à des « étrangers ou des Mauritaniens résidant dans un pays étranger » sont passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans(9). Si le bénéficiaire du secret est un Mauritanien résidant en Mauritanie, la durée maximale est de deux ans. Aucune disposition spécifique n’est prévue pour les journalistes ou les personnes non-employées qui divulguent ces secrets.

Droit des médias et liberté d’expression

La Constitution ne prévoit pas expressément la liberté de la presse, bien que la Loi sur la liberté de la presse dispose que l’accès à l’information et la liberté de la presse « sont des droits inaliénables du citoyen ». Cependant, la loi note également que ces libertés peuvent être limitées « par la loi et dans la mesure strictement nécessaire à la préservation de la société démocratique »(10).

Le Code pénal prévoit des peines sévères pour les crimes contre la religion et les « bonnes mœurs ». Commettre l’hérésie ou l’apostasie (y compris par écrit) est passible de la peine de mort(11). Accuser par écrit ou verbalement un musulman d’adultère, d’homosexualité ou d’être l’enfant de personnes non mariées peut être puni de 80 coups de fouet. La peine peut être révoquée si la victime pardonne à l’accusateur ou si l’accusation est confirmée(12).

La distribution de « tous imprimés, tous écrits, dessins, affiches, gravures, peintures, photographies, films ou clichés… [ou] objets ou images contraires aux bonnes mœurs » est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans et d’une interdiction jusqu’à six mois de mener l’activité par laquelle le document a été distribué, par exemple le fait de publier(13). La récidive entraîne des sanctions plus sévères.

La diffamation peut être sanctionnée par de lourdes amendes. La Loi sur la liberté de la presse autorise des amendes pour les offenses commises par voie de presse contre le président(14); pour la diffamation de membres du gouvernement, de certains fonctionnaires et organismes officiels (y compris les tribunaux et les militaires)(15); et pour l’« offense commise publiquement » contre des chefs d’Etat et des diplomates étrangers(16). Les allégations diffamatoires concernant la vie privée de membres du gouvernement peuvent être punies d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à six mois dans le cas d’une accusation fondée sur le groupe ethnique, la nationalité, la religion ou la race(17). La définition de la diffamation dans la Loi sur la liberté de la presse s’étend implicitement aux citoyens ordinaires, mais aucune sanction n’est prévue lorsque la diffamation concerne des personnes qui ne font pas partie de l’appareil d’Etat.

Un projet de loi sur la cybercriminalité a été adopté par le Parlement en 2015(18). Les journalistes ont exprimé leur crainte que ce projet de loi permette de les poursuivre en justice pour « presque tout ce qui est publié en ligne »(19) . Le projet de loi prévoit des peines d’emprisonnement et de lourdes amendes pour la diffusion de certains contenus politiquement sensibles sur internet, tout en réaffirmant l’illégalité du contenu qui porte atteinte aux valeurs de l’Islam(20) et le partage d’information considérée comme relevant de l’intérêt de la défense nationale(21).

Les journalistes ont « le devoir et le droit » de protéger leurs sources « en toutes circonstances, sauf dans les cas prévus par la loi pour les besoins de la lutte contre les crimes et délits»(22).

Cas de lanceurs d’alerte

Il n’existe aucun cas connu de publication de lancement d’alerte en Mauritanie. Il n’est pas possible d’établir s’il y a eu des cas de lancements d’alerte qui ont été étouffés, ou si l’absence de protection législative a dissuadé des personnes de divulguer des informations sensibles.

Cependant, dans une affaire récente très médiatisée, un blogueur a été condamné à mort pour avoir renié l’islam. Mohamed Cheikh Ould Mohamed M’Kheitir a été arrêté en 2014 et a été jugé lors d’une procédure expéditive pour avoir critiqué les inégalités de la société en Mauritanie et le prophète Mohammed. Il a fait appel de la condamnation mais ses avocats commis d’office ont démissionné en février 2015, par crainte de représailles de la part de conservateurs religieux(23). En décembre 2016, un arrêt de la Cour suprême a conclu qu’il y avait eu des irrégularités de procédure dans les procès antérieurs mais il resta en détention. Le 8 octobre 2017, une cour d’appel l’a condamné à deux ans de prison et le procureur général a immédiatement formé un pourvoi en cassation contre cette décision de justice(24a)(24b).

Les militants des droits de l’homme risquent également de longues peines de prison, ceux travaillant dans le domaine de la lutte contre l’esclavage étant particulièrement susceptibles d’être arrêtées. Le Global Slavery Index de 2016 estime que 43 000 Mauritaniens sont réduits en esclavage(25). D’autres estimations sont beaucoup plus élevées, bien que le gouvernement nie catégoriquement que l’esclavage existe en Mauritanie(26). Le président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) a été emprisonné au moins trois fois et affirme avoir été torturé en prison(27). Il a été récemment libéré en mai 2016 après avoir purgé une peine de 20 mois de prison pour « incitation à des troubles », « appartenance à une organisation non reconnue », « conduite d’un rassemblement non autorisé » et « violence contre la police »(28). Au jour d’avril 2018, deux activistes de l’IRA étaient toujours détenus malgré la condamnation du Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU qui avait demandé au gouvernement mauritanien de les relâcher en novembre 2017(29).

Droit des médias et Libertés

Le rapport Freedom of the Press(30) publié par Freedom House en 2016 juge la liberté de la presse en Mauritanie comme « partiellement libre ». Il manifeste l’inquiétude que le nouveau délit sur la cybercriminalité « a établi des peines de prison et de lourdes amendes pour la diffusion certains types de contenus politiquement sensibles sur internet ».

Le rapport de Freedom House souligne également que les médias sont très politisés, rapportant que les membres de l’opposition affirment que l’attribution de licences favorise les intérêts politique, tribal et ethno-racial du gouvernement. Il soutient en outre que la Haute Autorité du secteur de la presse et de l’audiovisuel a mis en garde les journalistes contre le fait de critiquer le Président ou sa famille et a suspendu un talk-show radiophonique pour avoir menacé « l’unité nationale et la cohésion sociale ».

Plusieurs cas de harcèlement de journalistes sont répertoriés, dont des arrestations pour avoir publié des documents liés à une fraude bancaire présumée et enquêté sur un décès récent dans un hôpital. Le rapport Freedom in the World(31) publié par Freedom House en 2016 mentionne le harcèlement d’un journaliste qui a reçu des menaces de mort et a été interrogé à de nombreuses reprises par les autorités après avoir publié des informations sur une affaire de corruption entre un député et un homme d’affaires liés au parti au pouvoir.

Reporters sans frontières classe la Mauritanie au 55ème rang mondial en 2017(32). Cette ONG observe qu’il y a eu « une baisse significative de la violence et de l’intimidation contre les journalistes » malgré le « message clair et intimidant aux médias » envoyé avec la condamnation à mort prononcée contre le blogueur Mohamed Cheikh Ould Mohamed M’Kheitir. Il est également noté que les journalistes pratiquent l’autocensure « par peur des représailles […] lorsqu’ils couvrent des sujets tels que la corruption, l’armée, l’islam ou l’esclavage, qui existe toujours en Mauritanie ».

Informations complémentaires

La volonté d’améliorer les protections offertes aux médias est probablement limitée, en particulier en ce qui concerne le sujet de la religion. Des rapports affirment que des milliers de conservateurs religieux ont manifesté lors du procès de Mohamed Cheikh Ould Mohamed M’Kheitir, se réjouissant lorsque sa condamnation à mort fut prononcée(33).

Rapport Pays 2024

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